Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/88

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Éprouvant de la répugnance à lui adresser même une question insignifiante, il allait passer près de sir Kenneth avec cet air sombre et méprisant qui semble dire… Je te connais, mais je ne veux pas avoir de communication avec toi ; lorsque cette intention fut trompée par l’Écossais qui vint droit à lui, et l’abordant avec une politesse cérémonieuse lui dit : « Milord de Vaux de Gilsland… je suis chargé de vous parler.

— Comment ! à moi ? dit le baron anglais ; mais voyons ce que vous avez à me dire, car j’exécute une commission du roi.

— La mienne touche encore le roi Richard de plus près, dit sir Kenneth… Je lui apporte, je l’espère, la santé. »

Le lord Gilsland toisa l’Écossais avec des yeux incrédules, et répondit : « Vous n’êtes pas médecin, sire Écossais ; je vous aurais cru tout aussi capable d’apporter un trésor au roi Richard. »

Sir Kenneth, quoique mécontent de la manière dont le baron lui avait répondu, reprit avec calme : « La santé de Richard, n’est-ce pas le synonyme de trésor et de gloire pour la chrétienté ? Mais le temps presse… Dites-moi, je vous prie, si je puis voir le roi ?

— Assurément non, beau sire, répliqua le baron, à moins que vous n’expliquiez plus clairement votre message. La chambre d’un prince malade ne s’ouvre pas à tous ceux qui en demandent l’entrée comme celle d’une hôtellerie du Nord.

— Milord, dit Kenneth, la croix que je porte en commun avec vous, et l’importance de ce que j’ai à vous dire, me feront passer pour le moment pur dessus des procédés que dans tout autre cas je serais incapable de supporter. Pour parler clairement donc, j’amène avec moi un médecin maure qui entreprend d’opérer la cure du roi Richard.

— Un médecin maure ! s’écria de Vaux ; et qui nous garantira qu’il n’apporte pas avec lui des poisons au lieu de remèdes ?

— Sa propre vie, milord, sa tête qu’il offre en garantie.

— J’ai connu plus d’un brigand déterminé qui ne mettait pas plus de prix à sa vie qu’elle n’en valait réellement, et qui serait allé aussi gaîment à la potence que s’il allait danser une contredanse avec le bourreau.

— Voici ce qu’il en est, milord : Saladin, auquel personne ne peut refuser la justice de le regarder comme un ennemi brave et généreux, envoie ici ce médecin avec une garde et une suite brillante, convenable au grand cas que le soudan fait d’El Hakim ; il vient chargé de fruits et de rafraîchissements pour l’usage du roi,