Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/85

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tions. Sous Édouard, les Anglais combattaient pour soumettre définitivement l’Écosse ; et les Écossais, avec cette fermeté et cette obstination de volonté qui les a toujours caractérisés, défendirent leur indépendance par les moyens les plus violents, dans les circonstances les plus défavorables, et avec les plus faibles chances de succès. Mais au temps dont nous parlons, les guerres entre les deux nations, quoique cruelles et fréquentes, se faisaient d’une manière honorable, et offraient souvent l’exemple de ces sentiments de courtoisie et de respect envers un ennemi loyal et généreux, qui adoucissent un peu les horreurs de ces jeux sanglants. Ainsi, pendant les intervalles de paix, et surtout lorsque les deux royaumes s’armaient en faveur d’une cause commune, d’une cause également chère à tous les cœurs religieux, les aventuriers de l’un et de l’autre pays se rencontrèrent souvent dans les mêmes rangs, et leur rivalité nationale ne servait qu’à les exciter à se surpasser mutuellement dans leurs exploits contre l’ennemi commun.

Le caractère franc et martial de Richard ne faisait aucune différence entre ses sujets et ceux d’Alexandre d’Écosse, si ce n’est en raison de la manière dont ils se comportaient sur le champ de bataille ; et cette impartialité contribua beaucoup à entretenir la bonne intelligence entre les deux nations. Mais pendant sa maladie, et lors des circonstances défavorables où les croisés se trouvèrent placés, des discordes nationales commencèrent à éclater entre les différentes troupes réunies pour la croisade, à peu près de même que d’anciennes plaies viennent à se rouvrir sur un corps affligé de maladie ou de faiblesse.

Les Écossais et les Anglais étaient également hautains et jaloux ; les premiers surtout, comme la nation la plus pauvre et la plus faible, étaient prompts à s’offenser : en conséquence les deux nations britanniques commencèrent à remplir par des dissensions intestines un intervalle de temps que la trêve ne leur permettait plus d’employer en commun contre les Sarrasins. Comme les chefs romains de l’antiquité, les Écossais ne voulaient admettre aucune supériorité, et leurs voisins ne prétendaient pas avoir d’égaux. On s’accusa, on récrimina, et les simples soldats ainsi que leurs chefs et leurs commandants, qui avaient été bons camarades dans la victoire, se montrèrent une inimitié mutuelle au moment de l’adversité : comme si leur union n’eût pas été plus essentielle alors que jamais, non seulement au succès de la cause commune, mais à leur salut à tous ! Les mêmes divisions avaient commencé à éclater en-