Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/83

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Mais je vois ce qu’il en est. Nous finirons comme nous avons commencé, sans espoir de prier au Saint-Sépulcre, à moins que le ciel ne rende la santé au roi Richard. »

À cette grave remarque, Richard partit d’un rire bruyant, le seul qui lui fût échappé depuis quelque temps. « Vois un peu ce que c’est que la conscience, dit-il, puisqu’un baron du Nord, qui n’a pas l’esprit plus subtil que toi, a pu amener son souverain à faire l’aveu de sa faiblesse ! Il est vrai que s’ils ne se présentaient pour tenir mon bâton de commandement, je ne me serais guère soucié de dépouiller de leurs oripeaux ces marionnettes que tu viens de me faire passer en revue… Que m’importerait à moi qu’ils se couvrissent des manteaux éclatants dans lesquels ils se pavanent, si on ne les nommait pas mes rivaux dans la glorieuse entreprise à laquelle je me suis voué !… Oui, de Vaux, je confesse ma faiblesse et la témérité de mon ambition… Le camp chrétien renferme sans doute plus d’un meilleur chevalier que Richard d’Angleterre, et il serait juste et sage de confier au plus digne la conduite de l’armée. Mais, » continua le belliqueux monarque en se levant sur son lit et jetant sa couverture, tandis que ses yeux brillaient comme la veille d’une bataille, « si un tel chevalier plantait la bannière de la croix sur le temple de Jérusalem pendant que je suis incapable de participer à cette noble expédition, aussitôt que j’aurais la force de mettre une lance en arrêt, il recevrait mon défi au combat à mort, pour m’avoir ravi ma gloire, en courant sans moi vers le but de mon entreprise. Mais, écoute, quelles sont ces trompettes que j’entends dans le lointain ?

— Ce sont celles de Philippe, à ce qu’il me semble, mon souverain, » répondit le brave Anglais.

« Tu as l’oreille bien dure, Thomas, » s’écria le roi en essayant de se lever ; « n’entends-tu pas ces sons aigus et perçants ? De par Dieu ! les Turcs sont dans le camp ; j’entends leurs cris de guerre. »

Il essaya encore de sortir du lit, et de Vaux fut obligé d’employer toute sa force, et d’appeler à son aide les chambellans de la tente extérieure pour réussir à le contenir.

« Tu es un perfide… un traître… Thomas de Vaux, » dit le monarque irrité, lorsque épuisé et hors d’haleine il fut obligé de céder à une force supérieure, et de se laisser aller sur sa couche. « Je voudrais être seulement assez fort pour te faire sauter la cervelle avec ma hache d’armes.

— Je voudrais aussi que vous en eussiez la force, ô mon roi, ré-