Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/80

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des Hospitaliers et de celui des Templiers ? Quel est le mal qui les tient ? Je m’en vais te le dire, moi ! C’est une paralysie, c’est une léthargie mortelle qui les prive de la faculté d’agir et de parler ; un ver qui a rongé jusqu’au cœur ce qu’il y avait de noble, de chevaleresque et de vertueux parmi eux ; qui les a rendus parjures au serment le plus saint que chevaliers aient jamais fait ; qui leur fait négliger leur gloire et oublier leur Dieu.

— Pour l’amour du ciel, milord, dit de Vaux, prenez les choses, avec moins de violence ; on vous entendra du dehors, et Dieu sait que de semblables discours ne se répètent déjà que trop parmi les simples soldats, engendrant les querelles et la discorde dans l’armée chrétienne. Songez que votre maladie paralyse le principal ressort de la sainte entreprise. On fera plutôt agir un mangonneau sans cordes et levier que l’armée chrétienne sans le roi Richard.

— Tu me flattes, de Vaux, » dit Richard, qui n’était pas entièrement insensible au pouvoir de la louange, et il appuya sa tête sur son oreiller avec plus de calme qu’il n’avait encore fait. Mais Thomas de Vaux n’était pas un courtisan. S’il avait prononcé ces paroles, c’est qu’elles s’étaient offertes naturellement sur ses lèvres, et il ignorait l’art d’insister sur ce sujet flatteur de manière à entretenir la sensation agréable qu’il avait excitée. Il garda donc le silence, et permit au roi de retomber dans de sombres méditations dont il ne sortit que pour s’écrier brusquement : « De par Dieu ! voilà qui était bien dit pour flatter un malade ! mais une ligue de monarques, une réunion de nobles, une assemblée de toute la chevalerie de l’Europe, languissent-elles à cause de la maladie d’un seul, quand bien même il arrive que ce soit le roi d’Angleterre ? Pourquoi la maladie ou la mort de Richard arrêterait-elle la marche de trente mille hommes aussi braves que lui ? Quand le cerf dix cors est abattu, sa troupe se disperse-t-elle aussitôt ? Quand le faucon frappe la grue conductrice, une autre prend sa place à la tête du vol. Pourquoi les puissances ne s’assemblent-elles pas pour choisir un homme à qui elles puissent confier la conduite de l’armée ?

— Parbleu ! sous le bon plaisir de Votre Majesté, reprit de Vaux, j’ai entendu dire qu’il y avait eu à ce sujet quelques délibérations entre les chefs souverains.

— Ah, ah ! » s’écria Richard, dont la jalousie soudainement éveillée donnait un autre cours à son irritabilité, « suis-je oublié par mes alliés avant d’avoir reçu le dernier sacrement ? Me tien-