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et que j’échange rarement le buffle et l’acier pour le velours et l’or ; mais j’ai entendu dire que nos plus célèbres beautés accompagnent notre gracieuse reine et la princesse Édith dans un pélerinage au couvent d’Engaddi, pour accomplir le vœu qu’elles ont fait dans l’espoir d’obtenir la guérison de Votre Altesse.

— Et convient-il, » s’écria Richard avec l’irritation que donne la maladie, « convient-il que des matrones et des filles royales s’exposent dans un pays souillé par des chiens d’infidèles, aussi perfides envers les hommes que parjures au vrai Dieu ?

— Mais, milord, objecta de Vaux, elles ont la parole de Saladin pour garantie de leur sûreté.

— C’est vrai, c’est vrai, dit Richard. J’étais injuste envers le soudan païen ; je lui dois une réparation. Plût à Dieu que je fusse en état de la lui offrir corps à corps, entre les deux armées, avec tous les chrétiens et tous les infidèles pour témoins ! »

Tout en parlant, Richard sortit du lit son bras droit nu jusqu’à l’épaule, et se levant avec peine sur sa couche, il secoua son poing fermé comme s’il tenait une épée ou une hache, et comme s’il brandissait son arme sur le turban du soudan. Ce ne fut pas sans un certain degré de violence, violence que le roi n’aurait pas soufferte de tout autre, que de Vaux, en sa qualité de garde-malade, força son royal maître à se remettre dans son lit : il fit rentrer son bras nerveux sous les couvertures, et ramena celles-ci jusque sur les épaules du malade avec le même soin qu’une mère donne à un enfant impatient.

« Tu es une garde un peu brusque quoique fort zélée, de Vaux, » dit le roi avec un sourire amer, tout en se soumettant à une contrainte à laquelle il était hors d’état de résister. « Il ne te manque plus qu’une coiffe sur tes traits austères ; cela te siérait aussi bien qu’à moi un béguin. Nous ferions, toi et moi, une nourrice et un nourrisson capables d’effrayer les petites filles.

— Nous avons bien effrayé des hommes dans notre temps, sire, répondit de Vaux ; et je me flatte que nous vivrons encore assez long-temps pour en effrayer d’autres. Qu’est-ce qu’un accès de fièvre que nous ne puissions le supporter patiemment afin de nous en débarrasser plus vite ?

— Un accès de fièvre ! » s’écria Richard avec impétuosité ; « tu peux croire que je n’ai, moi, qu’un accès de fièvre ; mais que me diras-tu de tous ces autres princes chrétiens ? de Philippe de France, du lourd Autrichien, du marquis de Montferrat, du grand-maître