Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/78

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qui la soutenaient. Des peaux d’animaux tués à la chasse étaient étendues à terre, et sur un monceau de ces dépouilles des hôtes des forêts reposaient trois alans, suivant le nom qu’on leur donnait alors (c’est-à-dire trois lévriers), tous trois de la plus haute taille et aussi blancs que la neige. Leurs museaux marqués de plus d’une cicatrice de griffes et de serres indiquaient qu’ils avaient participé à la conquête des trophées sur lesquels ils reposaient, et leurs yeux, qui de temps en temps s’ouvraient d’une manière expressive et se fixaient sur le lit de Richard, leurs yeux témoignaient à quel point ils s’étonnaient et se fatiguaient de l’inactivité inaccoutumée qu’ils étaient forcés de partager. Jusque-là rien n’indiquait que les attributs du chasseur et du guerrier ; mais sur une petite table, à côté du lit, était placé un bouclier d’acier travaillé, de forme triangulaire, portant les trois lions passants qu’adopta, le premier, ce monarque chevaleresque ; et tout auprès, on voyait le diadème d’or ressemblant beaucoup à une couronne ducale, si ce n’est qu’il était plus haut devant que derrière : ce diadème, avec la tiare de velours pourpre brodé qui le doublait, était alors l’insigne de la souveraineté d’Angleterre. À côté, et comme toute prête à défendre le diadème, était une énorme hache d’armes qui aurait fatigué tout autre bras que celui de Cœur-de-Lion.

Dans une autre division de la tente se tenaient deux ou trois officiers de la maison du roi, abattus, inquiets sur la santé de leur maître ainsi que sur leur propre sort dans le cas où il viendrait à mourir. Ces sombres craintes s’étendaient sur jusque les gardes de la porte, qui se promenaient à grands pas et en silence, avec l’air du découragement, ou, se reposant sur leur pique, restaient immobiles à leurs postes, plutôt comme des trophées d’armes que comme des guerriers vivants.

« Ainsi, tu n’as pas de meilleures nouvelles à m’apprendre du dehors, sir Thomas, » dit le roi après un long et inquiet silence passé dans l’agitation brûlante que nous avons essayé de décrire. « Eh quoi ! tous nos chevaliers sont devenus des femmes, toutes nos dames sont devenues dévotes, et il n’y a plus une étincelle de valeur et de bravoure pour ranimer ce camp qui renferme la fleur de la chevalerie d’Europe ? Ah !

— La trêve, milord, » reprit de Vaux avec la même patience qu’il avait mise à répéter vingt fois cette explication ; « la trêve nous empêche de nous comporter en hommes d’action. Quant aux dames, Votre Majesté sait bien que je me mêle peu à leurs fêtes