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été rasée, couvrait son menton et ses lèvres. Se jetant alternativement de l’un et de l’autre côté de son lit, tantôt il attirait à lui ses couvertures, le moment d’après il les repoussait impatiemment : le désordre de sa couche et l’irritation de ses gestes montraient l’énergie et la fougue indomptable d’un caractère dont la sphère naturelle était le mouvement et l’activité.

À côté de la couche royale se tenait sir Thomas de Vaux, dont la figure, l’attitude et les manières offraient le plus grand de tous les contrastes avec le monarque malade. Sa taille était presque gigantesque, et ses cheveux, pour leur épaisseur, auraient pu rappeler ceux de Samson, après toutefois que le champion israélite eut passé par le ciseau philistin ; car de Vaux portait sa chevelure fort courte, afin de pouvoir la renfermer sous son casque. L’éclat de son œil grand et ouvert, d’un brun fauve, ressemblait à celui d’une matinée d’automne ; il ne se troublait que par une sorte de contre-coup des marques violentes d’agitation et d’inquiétude que donnait de temps en temps le roi Richard. Ses traits, quoique aussi massifs que sa personne, pouvaient avoir été beaux avant d’être défigurés par des cicatrices. Sa lèvre supérieure, d’après la mode des Normands, était couverte d’une épaisse moustache, qui avait pris assez de développement pour se joindre à ses cheveux ; moustache et chevelure étaient d’un châtain foncé, et commençaient également à grisonner. La charpente de son corps était de celles qui semblent le plus en état de défier la fatigue et les changements de climat : il avait la taille élancée, la poitrine large, les bras longs et les membres robustes. Il y avait plus de trois nuits qu’il n’avait ôté son justaucorps de buffle, et depuis il n’avait pris que ce repos momentané et interrompu auquel pouvait se livrer par intervalle et à l’échappée le gardien d’un monarque malade. Il changeait rarement de posture, excepté pour administrer à Richard les médicaments ou les boissons qu’aucun des autres serviteurs ne pouvait faire accepter à l’impatient monarque : il y avait quelque chose de touchant dans la manière gauche mais affectueuse dont le vieux soldat s’acquittait de soins si étrangement opposés à ses habitudes et à ses manières.

Le pavillon où étaient ces personnages offrait, comme il convenait au temps et au caractère personnel de Richard, un aspect plus guerrier que magnifique et royal. Des armes offensives et défensives, dont quelques unes étaient d’une forme bizarre et d’invention moderne, étaient dispersées sous la tente ou appendues aux piliers