Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/70

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Une figure de femme, ressemblant beaucoup à la première par les formes et les proportions, s’éleva lentement du sol. Ses vêtements, également de soie rouge, étaient d’une forme bizarre et fort large ; son costume ressemblait à celui des mimes et des jongleurs. Son premier soin fut aussi d’approcher successivement la lampe de son visage et de toutes les parties de son corps. Avec un extérieur repoussant, ces deux êtres avaient cependant quelque chose qui annonçait la vivacité et l’intelligence portées au plus haut degré : leurs yeux, enfoncés sous des sourcils noirs et touffus, brillaient d’un feu pareil à celui qu’on voit étinceler dans l’œil d’un reptile, et cet éclat semblait compenser en quelque sorte l’extrême laideur de leurs visages et de leurs personnes.

Sir Kenneth restait attaché à sa place comme par enchantement, tandis que ces deux êtres difformes, parcourant la chapelle côte à côte, paraissaient occupés de la balayer comme des domestiques ; mais comme ils ne se servaient que d’une main, le pavé ne gagnait pas beaucoup à cet exercice auquel ils se livraient avec une singularité de gestes et de manières qui répondait à leur extérieur bizarre. Lorsqu’ils s’approchèrent du chevalier dans le cours de leurs occupations, ils quittèrent leurs balais, et se posant directement en face de sir Kenneth, ils élevèrent de nouveau lentement la lumière qu’ils portaient, de manière à lui permettre de voir distinctement des traits qui ne s’embellissaient pas à être examinés de près, et de remarquer l’extrême vivacité et le feu dont à la clarté de la lampe étincelaient leurs yeux noirs et perçants. Ils dirigèrent ensuite leur lumière sur le chevalier ; puis, l’ayant attentivement examiné, ils se retournèrent l’un vers l’autre, se regardèrent en face, et partirent d’un éclat de rire rauque et bruyant. Le son parut si effroyable à sir Kenneth, qu’il se hâta de leur demander au nom de Dieu qui ils étaient pour venir profaner le saint lieu par leurs gestes étranges et leur rire discordant.

« Je suis le nain Nectabanus, » dit l’avorton qui paraissait appartenir au sexe masculin ; et sa voix ressemblait au nocturne croassement du corbeau plus qu’à aucun des sons qui se font entendre de jour.

« Et moi, je suis Genèvre, la dame de ses pensées, » ajouta l’autre d’une voix qui étant plus grêle paraissait encore plus sauvage que celle de son compagnon.

« Pourquoi êtes-vous ici ? » leur demanda le chevalier qui n’était pas encore bien sûr d’avoir devant les yeux des créatures humaines.