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INTRODUCTION

MISE EN TÊTE DE LA DERNIÈRE ÉDITION D’ÉDIMBOURG.


Les Fiancés n’ont pas obtenu l’approbation complète de tous mes amis. Plusieurs d’entre eux m’ont objecté que le sujet de ce roman ne répond pas bien au titre général de Contes tirés de l’Histoire des Croisades. Ils ajoutaient que si je n’entreprenais point de peindre les mœurs de l’Orient et les luttes caractéristiques de cette époque, un pareil titre ressemblerait trop à cette affiche de spectacle qui, dit-on, annonçait la tragédie d’Hamlet, dans laquelle on avait supprimé le rôle du prince de Danemarck. Pour moi, je sentis combien il était difficile de donner quelque vie à la peinture d’une partie du monde sur laquelle je n’avais presque aucune notion, à moins qu’on n’en excepte les souvenirs d’enfoncé que m’ont laissés les Nuits arabes. Ainsi, non seulement je devais travailler avec les inconvénients de l’ignorance dans laquelle j’étais enveloppé, comme un Égyptien dans le brouillard d’une des sept plaies, à l’égard de tout ce qui a rapport aux mœurs de l’Orient, mais encore il se trouvait que plusieurs de mes contemporains étaient aussi éclairés sur ce sujet que s’ils eussent été les habitants de la terre fortunée de Goshen. De nos jours, en effet, l’amour des voyages a envahi tous les rangs et a transporté les sujets de la Grande-Bretagne dans tous les coins du globe. La Grèce, si attrayante par les vestiges des arts, par sa lutte contre la tyrannie mahométane, par son nom, par les légendes classiques qui y vivent attachées à la moindre fontaine ; la Palestine, si chère à l’imagination par des souvenirs encore plus sacrés : tous ces lieux ont été visites récemment par des Anglais et décrits par des voyageurs modernes. Si j’avais tenté l’entreprise difficile de substituer des mœurs fictives aux mœurs réelles de l’Orient, tout voyageur qui aurait poussé sa route au delà de ce qu’on appelait autrefois le Grand Tour (le tour d’Europe) aurait été en droit de critiquer sévèrement ma présomption. Tout membre du club des voyageurs qui aurait pu prétendre avoir mis le pied sur le sol d’Édom, aurait été constitué, par ce fait seul, mon critique et mon correcteur. Il me semblait qu’à une époque où l’auteur d’Anastasias et celui d’Hadji Baba viennent de décrire les coutumes et les vices des nations de l’Orient, non seulement avec fidélité, mais aussi avec la