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un lieu consacré par la plus sainte de toutes les reliques. Dans de telles circonstances, un soldat chrétien, un amant dévoué ne pouvait songer qu’à ses devoirs envers le ciel et envers sa dame.

Au bout de l’espace de temps dont nous venons de parler, un coup de sifflet, aigu comme celui dont un fauconnier se sert pour appeler son oiseau, se fit entendre jusque sous la voûte de la chapelle. Un pareil son convenait mal à la sainteté du lieu : il rappela à sir Kenneth combien il était nécessaire qu’il se tînt sur ses gardes. Il se releva donc et mit la main sur son poignard ; une espèce de craquement, un bruit semblable à celui de vis ou de poulies succéda au coup de sifflet, et un rayon de lumière venant d’en bas montra qu’une trappe avait été ouverte. En moins d’une minute un long bras décharné, en partie nu, en partie couvert d’une manche de soie rouge, sortit de l’ouverture tenant une lampe aussi élevée que possible, et la figure à laquelle ce bras appartenait monta degré par degré jusqu’au niveau de la chapelle. La taille et la figure de l’être qui s’offrit alors étaient celles d’un nain hideux, avec une tête énorme couverte d’un bonnet bizarrement orné de trois plumes de paon ; une tunique de soie rouge, dont la richesse rendait sa laideur plus frappante, était retenue par une ceinture de soie blanche, dans laquelle on apercevait à demi caché un poignard à monture d’or. Il portait aux bras et aux poignets des bracelets du même métal. Ce singulier individu avait à la main une espèce de balai. Aussitôt qu’il fut sorti de l’ouverture qui lui avait donné passage, il se tint debout à la même place, et comme s’il eût voulu se montrer plus distinctement, il promena lentement devant lui la lampe qu’il tenait à la main, éclairant successivement ses traits sauvages et grotesques et ses membres difformes, mais nerveux. Quoique disproportionné dans sa taille, le nain n’était pas assez contrefait pour qu’on en conclût qu’il manquait de force ou d’activité. Pendant que sir Kenneth contemplait cet objet désagréable, il se rappela la croyance populaire sur les gnomes ou les esprits qui habitent les profondeurs de la terre ; et telle était la ressemblance de cette figure avec l’idée qu’il s’en était formée, qu’il la contempla avec un dégoût mêlé non pas de crainte, mais de cette espèce d’effroi que la présence d’un être surnaturel inspire au cœur le plus ferme.

Le nain siffla de nouveau, et on vit surgir du souterrain un être qui rivalisait avec lui de laideur. Cette seconde figure monta de la même manière que la première ; mais c’était un bras de femme cette fois qui tenait la lampe à l’ouverture de la trappe.