Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/64

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une parfaite harmonie tous les mouvements jusqu’à ce qu’étant arrivée pour la troisième fois auprès du chevalier agenouillé, une petite main dont les proportions ravissantes étaient de nature à donner la plus haute idée de la perfection des formes auxquelles elle appartenait, sortit des plis de la gaze comme un rayon de lune à travers les nuages ondoyants d’une nuit d’été ; et un nouveau bouton de rose tomba aux pieds du chevalier du Léopard.

Cette fois ce ne pouvait être une circonstance purement accidentelle… Ce ne pouvait être l’effet du hasard que la ressemblance de cette petite main qu’il venait d’entrevoir avec une autre que ses lèvres avaient touchée une fois tandis qu’en son cœur il faisait secrètement le vœu d’une fidélité éternelle envers celle à qui elle appartenait. S’il eût eu besoin d’une autre preuve, il l’eût trouvée dans la présence du rubis précieux qui ornait ce doigt de neige, joyau dont sir Kenneth aurait moins prisé la valeur que le plus léger signe de ce joli doigt ; et toute voilée qu’était la jeune vierge, le hasard ou sa bonne étoile lui avait permis d’apercevoir une boucle détachée de ces tresses d’ébène dont un seul cheveu lui était plus précieux cent fois que la plus belle chaîne d’or massif. C’était la dame de ses amours ! Mais comment se trouvait-elle là, dans ce lieu lointain et sauvage, parmi les vierges qui se faisaient habitantes des déserts et des cavernes, afin d’accomplir en secret ces rites chrétiens auxquels elles n’osaient assister publiquement… Il paraissait incroyable que ce fût une réalité… Ce devait être un rêve, une illusion trompeuse de son imagination. Pendant que ces pensées occupaient l’esprit de sir Kenneth, la procession sortit par le même passage qui lui avait donné entrée dans la chapelle. Les jeunes acolytes, les religieuses voilées de noir, disparurent successivement par cette issue… À la fin, celle dont il avait reçu ce double gage de souvenir passa encore à son tour ; mais en sortant elle fit un léger mouvement de tête vers l’endroit où le chevalier restait immobile comme une statue. Il suivit des yeux les dernières ondulations de son voile, ces plis disparurent aussi, et l’âme du chevalier resta plongée dans une obscurité aussi profonde que celle qui frappa soudainement ses sens extérieurs, car à peine la dernière choriste eut-elle passé le seuil de la porte qu’elle se ferma avec bruit, que les voix se turent tout-à-coup, et que les lumières de la chapelle s’étant éteintes aussi soudainement, sir Kenneth se trouva seul et dans les ténèbres. Mais qu’étaient pour sir Kenneth la solitude, l’obscurité et l’incertitude de sa mystérieuse situation ? Il ne