Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/63

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sous ses yeux, d’un pas lent et régulier et sans faire un mouvement qui ne fût nécessaire ; de manière que, vu à la lumière mystérieuse et voilée que les lampes jetaient à travers les nuages d’encens qui s’élevaient vers la voûte, il semblait plutôt glisser que marcher.

Mais lorsque, faisant une seconde fois le tour de la chapelle, les religieuses arrivèrent près de la place où il était agenouillé, une des jeunes filles à voile blanc détacha du chapelet qu’elle tenait un bouton de rose qui tomba peut-être par hasard sur le pied de sir Kenneth. Le chevalier tressaillit comme si un dard l’eût soudainement frappé ; car lorsque l’esprit est parvenu à un haut degré d’attente et d’exaltation, le moindre incident imprévu fait franchir à l’imagination toutes ses bornes. Cependant il maîtrisa son agitation en se rappelant combien cette circonstance était simple et insignifiante en elle-même : il se dit que l’uniformité monotone des mouvements des choristes l’avait seule rendue remarquable.

Néanmoins lorsque la procession revint une troisième fois sur ses pas, la pensée et les yeux de sir Kenneth suivirent exclusivement celle des novices qui avait jeté le bouton de rose. Elle ressemblait si parfaitement aux autres chanteuses par la démarche, l’air et la taille, qu’il était impossible de l’en distinguer par aucun signe particulier, et cependant le cœur de sir Kenneth bondit comme s’il eût voulu s’échapper de son sein : cette impulsion sympathique lui apprit que la jeune vierge qui se tenait du côté droit sur le second rang des novices, lui était plus chère, non seulement que toutes celles qui étaient présentes, mais encore que tout le reste de son sexe. La passion romanesque de l’amour, telle qu’elle était encouragée et même prescrite par les lois de la chevalerie, s’accordait parfaitement avec la dévotion non moins romanesque de ce temps, et l’on pouvait dire qu’elles contribuaient réciproquement à se fortifier plutôt qu’à s’affaiblir. Ce fut donc avec une ardeur d’impatience, qui avait une espèce de caractère religieux, que sir Kenneth, en proie à des sensations qui le faisaient tressaillir depuis le fond du cœur jusqu’au bout des doigts, attendit qu’un second signe lui annonçât la présence de celle dont il croyait fortement avoir reçu le premier. Quelque court que fût l’intervalle qui s’écoula avant que la procession eût encore achevé le tour de la chapelle, il parut une éternité à sir Kenneth. À la fin, celle qu’il suivait des yeux avec une attention exclusive s’approcha. Il n’y avait aucune différence entre cette figure voilée et les autres dont elle suivit avec