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L’attitude de l’émir présentait en effet l’image d’un profond repos. Il était couché sur le côté, le visage à demi tourné vers le mur ; un de ses bras jeté en travers de son corps cachait de sa longue et large manche la plus grande partie de sa figure, mais le front restait à découvert. Ses nerfs si agités pendant les heures de veille, étaient maintenant immobiles comme si sa figure avait été de marbre, et ses longues paupières soyeuses étaient abaissées sur ses yeux au regard de faucon. Sa main ouverte et sans force, le retour régulier et calme de sa respiration, tout indiquait en lui le plus profond sommeil. La figure couchée du dormeur complétait un groupe singulier avec les formes gigantesques de l’ermite couvert de peaux de bouc, tenant une lampe à la main, et du chevalier revêtu de son justaucorps de buffle : le premier, portant sur ses traits l’empreinte austère d’une sombre et ascétique gravité, l’autre, sur son mâle visage, l’expression d’une curiosité vive et inquiète.

« Il dort profondément, » reprit l’ermite du même ton qu’auparavant, et en employant les mêmes paroles, quoiqu’il leur donnât maintenant un sens figuré au lieu d’un sens littéral : « Il dort ; il est dans les ténèbres : mais il y aura pour lui une aurore… Ilderim ! tes pensées, lorsque tu veilles, sont aussi chimériques, aussi décevantes que celles qui abusent en ce moment ton imagination endormie ; mais la trompette se fera entendre, et le rêve aura cessé. »

En parlant ainsi, faisant signe au chevalier de le suivre, l’ermite alla vers l’autel, et passant derrière, il pressa un ressort qui, agissant à l’instant sans bruit, entrouvrit une porte de fer pratiquée dans le mur de la caverne, de manière à être presque imperceptible, à moins de l’examen le plus minutieux. Avant de se risquer à ouvrir entièrement cette porte, l’ermite jeta sur ses gonds un peu de l’huile de la lampe, et lorsqu’il l’eut tirée à lui, on aperçut un petit escalier creusé dans le roc.

« Prenez le voile que je tiens, » dit l’ermite d’un ton mélancolique, « et couvrez-m’en les yeux, car il ne m’est pas permis de regarder le trésor que vous allez contempler tout à l’heure, sans me rendre coupable de péché et de présomption. »

Sans répliquer, le chevalier enveloppa à la hâte la tête du solitaire dans le voile qu’il lui présentait, et ce dernier monta l’escalier comme quelqu’un qui connaît trop bien le chemin pour avoir besoin de lumière. En même temps il tenait la lampe pour l’Écos-