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der qui était là, lorsqu’en ouvrant les yeux il aperçut la figure étrange et sauvage de l’anachorète, telle que nous l’avons décrite : il était debout auprès du lit, et appuyait sa main droite sur la poitrine de sir Kenneth, tandis que de l’autre il tenait une petite lampe.

« Silence ! » dit l’ermite au chevalier qui le regardait avec surprise, « j’ai des choses à te dire que cet infidèle ne doit pas entendre. »

Il prononça ces mots en français et non pas dans la langue franque, ce composé de dialectes européens et orientaux, dont ils s’étaient servis jusqu’à présent entre eux.

« Lève-toi, continua-t-il, mets ton manteau, ne prononce pas une parole, mais marche légèrement et suis-moi. »

Sir Kenneth se leva et prit son épée.

« Il n’en est pas besoin, » reprit l’anachorète à voix basse, « nous allons là où les armes spirituelles peuvent tout faire, et où celles de ce monde sont semblables à de frêles roseaux. »

Le chevalier remit son épée à côté du lit, et armé seulement d’un poignard qui ne le quittait jamais dans ce dangereux pays, il obéit au mystérieux ermite.

L’anachorète marcha le premier d’un pas lent, suivi du chevalier encore incertain si la sombre figure qui se glissait devant lui pour l’éclairer n’était pas la création d’un sommeil troublé. Ils passèrent comme des ombres dans la cellule extérieure, sans déranger l’émir qui continua de rester plongé dans le repos. Devant la croix et l’autel une autre lampe brûlait encore, un missel était ouvert, et par terre on voyait une discipline ou fouet pénitentiel, composé de petites cordes et de chaînes de fils de fer fraîchement teintes de sang, ce qui était un témoignage certain de la rigoureuse pénitence que s’infligeait le solitaire. Ici Théodoric s’agenouilla, et fit signe au chevalier de prendre place à côté de lui, sur le roc inégal qui semblait disposé tout exprès pour rendre l’attitude respectueuse de la prière aussi incommode que possible. Il lut plusieurs prières de l’Église catholique, et chanta d’une voix basse, mais fervente, trois des psaumes de la pénitence… Il entremêla ces derniers de soupirs, de larmes et de sanglots convulsifs, qui indiquaient à quel point il sentait profondément la divine poésie qu’il récitait. Le chevalier écossais se joignit avec une profonde sincérité à ces actes de dévotion, et l’opinion qu’il avait conçue de son hôte vint à changer tellement, qu’il doutait, en songeant à l’austérité de sa pénitence et à l’ardeur de ses prières, s’il ne devait pas le regarder comme un saint. Lorsque tous deux se levèrent de terre, il se tint devant lui