Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/50

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trois bonds en avant qui lui auraient fait beaucoup d’honneur dans une école de gymnastique, mais qui allaient si étrangement à son caractère d’ermite que le chevalier écossais en demeura confondu. Le Sarrasin parut mieux le comprendre. « Vous le voyez, dit-il : il s’attend à ce que nous le suivions dans sa cellule, et c’est en effet le seul lieu de refuge que nous puissions avoir pour cette nuit. Vous êtes le léopard, d’après l’empreinte gravée sur votre bouclier ; moi je suis le lion, comme mon nom le fait entendre, et sous l’emblème du chevreau, il veut parler de lui-même, par allusion à la peau de cet animal dont il est couvert. Il ne faut pas le perdre de vue cependant, car il est aussi agile qu’un dromadaire. »

Cette tâche n’était pas effectivement très facile : quoique leur révérend guide s’arrêtât de temps en temps et leur fît signe de la main comme pour les exhorter à avancer, cependant, bien familiarisé lui-même avec toutes les passes et tous les défilés du désert, et doué d’une activité extraordinaire que l’égarement de son esprit contribuait à tenir perpétuellement en exercice, il conduisit les chevaliers à travers des précipices et des sentiers étroits où le Sarrasin lui-même, armé à la légère et monté sur un coursier bien dressé, ne fut pas sans courir de dangers : on en conclura facilement que l’Européen encaissé dans son armure de fer, avec son cheval accablé de son poids, se trouva dans un péril si imminent qu’il aurait préféré cent fois celui d’un champ de bataille. Ce ne fut donc point sans une certaine satisfaction qu’il vit se terminer cette marche dangereuse : le saint homme qui leur servait de guide était arrêté devant l’entrée d’une caverne, tenant à la main une grande torche, faite d’un morceau de bois trempé dans du bitume, qui jetait une clarté vive et flamboyante, et répandait une forte odeur de soufre.

Sans se laisser arrêter par cette vapeur suffocante, le chevalier se jeta à bas de son cheval et entra dans la caverne qui ne promettait pas un logement fort commode. L’inférieur était divisé en deux parties : dans la première était un autel de pierre et un crucifix de roseaux : cet endroit servait de chapelle à l’anachorète. Ce fut dans cette caverne extérieure que le chevalier chrétien, non sans éprouver quelque scrupule provenant de la vénération que lui inspiraient les objets qui l’entouraient, se décida enfin à attacher son cheval et à l’arranger pour la nuit, à l’imitation du Sarrasin, qui lui fit entendre que c’était la coutume du lieu. Pendant ce temps l’ermite s’occupait à mettre en ordre sa cellule intérieure afin d’y recevoir ses hôtes, qui ne tardèrent pas à l’y joindre. Au fond de la grotte