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de malins esprits : ils doivent exciter en vous les sentiments de joie que nous éprouvons en approchant du pays de nos ancêtres.

— Par la barbe de mon père ! je crois que tu as raison, » dit le Sarrasin qu’amusait plus que n’offensait la liberté avec laquelle le chrétien avait exprimé ses réflexions. « Bien que le Prophète, béni soit son nom ! ait semé parmi nous les germes d’une croyance meilleure que celle qui fut enseignée à nos ancêtres sous les voûtes enchantées du château de Tugrut, cependant nous ne nous hâtons pas, ainsi que les autres musulmans, de frapper d’une damnation éternelle ces esprits élémentaires, redoutables et puissants, dont nous prétendons tirer notre origine. Ces génies, suivant notre croyance et notre espoir, ne sont pas entièrement réprouvés, mais ils ont encore les moyens de se sauver, et peuvent être récompensés ou punis dans l’éternité. Mais laissons ces matières aux imans et aux mollahs ; qu’il vous suffise de savoir que la connaissance du Coran n’a pas entièrement effacé en nous le respect que nous portons à ces esprits, et qu’il y en a encore qui chantent, en mémoire de l’ancienne foi de nos pères, des vers tels que ceux-ci. »

En parlant ainsi, il se mit à chanter des vers très anciens pour le langage et la construction, et qu’on attribuait à quelque adorateur d’Arimane, le Principe du mal.

Sombre Arimane, en qui l’Irak, notre patrie,
Voit la source des maux qui désolent la vie,
Au pied de tes autels notre regard troublé,
Contemplant l’univers par toi renouvelé,
À ton pouvoir sans borne, à ta force infinie
Ne trouve rien d’égal sous le ciel étoilé.

Si la main d’un pouvoir plus doux, plus pacifique,
Fait jaillir au désert la source prophétique
Où d’humbles pèlerins la soif va s’étancher,
Tu soulèves le flot qui frappe le rocher,
Tu souffles la tempête ; et le golfe Arabique
Voit périr le vaisseau qu’il prétend lui cacher.

En vain le Tout-Puissant commande à notre terre
De produire à l’envi la plante salutaire
Qui de l’homme souffrant doit calmer les douleurs :
Combien peu de mortels échappent aux malheurs,
Au poignard, au poison, à la peste, à la guerre,
Maux qui de ton carquois sont les traits destructeurs !

As-tu le sentiment, la forme, les images,
Ces pensers d’Orient que te prêtent les mages ?
Ton âme est-elle faite et de haine et de fiel ;