Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/43

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lancolique : « Je suis Cothrob, roi du monde souterrain, et chef suprême du Ginnistan. Moi et mes frères nous sommes au nombre de ceux qui, créés du feu élémentaire, dédaignèrent, malgré l’ordre du Tout-Puissant, de se courber devant une masse d’argile, parce qu’elle avait le nom d’homme. Tu peux avoir entendu parler de nous comme cruels, vindicatifs, inexorables. Nous sommes par nature bons et généreux, ne nous livrant à la vengeance que quand on nous insulte, à la cruauté que quand on nous outrage. Nous sommes fidèles à ceux qui se fient à nous, et nous avons entendu les invocations du sage Mithrasp, ton père, qui, dans sa prudence, n’adresse pas seulement son culte à l’Origine du bien, mais encore à ce qu’on appelle le Principe du mal. Toi et tes sœurs vous êtes sur le point de périr : mais que chacune de vous nous donne seulement un cheveu de ses belles tresses en signe d’hommage, et nous vous porterons à plusieurs milles d’ici dans une retraite sûre, où vous pourrez défier Zohauk et ses ministres. » La crainte d’une mort imminente, dit le poète, est comme la verge du prophète Aaron, transformée devant Pharaon en un serpent qui dévora tous les autres ; et les filles du sage Persan étaient peu susceptibles de s’effrayer des hommages d’un génie. Elles donnèrent le tribut que Cothrob leur demandait, et en un moment les sœurs se trouvèrent transportées dans un château enchanté, sur les montagnes du Tugrut, dans le Kourdistan. Depuis lors aucun œil mortel ne les revit jamais. Mais dans la suite des temps, sept jeunes gens distingués à la guerre et à la chasse se montrèrent dans les alentours du château des Génies. Ils étaient plus bruns de peau, plus hauts de taille, plus orgueilleux et plus déterminés qu’aucun des habitants épars alors dans les vallées du Kourdistan. Ils prirent des femmes, et devinrent pères des sept tribus des Kourdmens, dont la valeur est connue par tout l’univers. »

Le chevalier chrétien écouta avec surprise cette légende bizarre (dont aujourd’hui encore on peut trouver des traces dans les traditions des Kourdes), et, après un moment de réflexion, il répondit : « Sur ma foi, sire Sarrasin, vous avez dit vrai. On peut haïr et craindre votre origine, mais elle n’est pas à mépriser. Je ne m’étonne plus de votre obstination dans une fausse croyance, puisque c’était une partie de la nature de vos ancêtres, ces chasseurs infernaux, de préférer l’imposture à la vérité. Je conçois encore que votre imagination s’exalte, et que vous vous abandonniez aux chants et à la joie quand vous approchez des lieux fréquentés par