Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/331

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pour sa part, de s’en enorgueillir. L’Écossais, de son côté, nia qu’il eût remporté l’avantage, et voulut l’attribuer au soudan.

« Tu as eu assez d’honneur dans cette rencontre, reprit Richard, et je te l’envie bien plus que tous les sourires d’Édith Plantagenet, quoiqu’un seul pût récompenser dignement les dangers d’un jour de bataille. Mais qu’en pensez-vous, nobles princes ? sera-t-il dit qu’une si illustre assemblée de chevaliers se séparera sans avoir fait quelque chose dont les temps futurs puissent parler ? Qu’est-ce que la défaite et la mort d’un traître pour la brillante guirlande d’honneur et de chevalerie qui nous entoure ? Ce cercle doit-il se rompre avant d’être témoin de quelque exploit plus digne de son attention ? Qu’en dis-tu, royal Saladin, si tous deux aujourd’hui, devant cette noble compagnie, nous décidions la question long-temps contestée, relative au sort de la Palestine, et finissions d’un coup ces guerres fatigantes ? La lice est ici toute prête ! Jamais l’islamisme ne peut avoir de meilleur champion que toi ; quant à moi, à moins que de plus dignes ne se présentent, je jette le gant du combat comme défenseur de la chrétienté, et en tout honneur et tout amour, nous nous livrerons un combat à mort pour la possession de Jérusalem. »

Il y eut un long silence avant la réponse du soudan. Ses joues et son front se colorèrent ; et l’opinion de plusieurs personnes fut qu’il avait hésité un moment s’il accepterait le défi. À la fin, il dit : « En combattant pour la Cité sainte contre ceux que nous regardons comme des idolâtres et des adorateurs d’images, je pourrais espérer qu’Allah voudrait fortifier mon bras ; ou si je tombais sous l’épée de Melec-Ric, je ne pourrais passer au paradis par une mort plus glorieuse : mais Allah a donné Jérusalem aux vrais croyants, et ce serait tenter le Dieu du Prophète que de faire dépendre de l’adresse et de la vigueur de mon bras une possession qui m’est assurée par la supériorité de mes forces.

— Eh bien ! si ce n’est pas pour Jérusalem, » reprit Richard du ton d’un homme qui sollicite une faveur d’un ami intime, « que ce soit pour l’amour de la gloire ; et rompons au moins une lance à fer émoulu.

— Il ne m’est pas même permis, » répondit Saladin en souriant de l’air presque caressant avec lequel Richard lui proposait le combat ; « il ne m’est pas même permis de consentir à cela : le maître place le berger à la tête de ses brebis, non à cause de lui, mais pour l’amour du troupeau. Si j’avais un fils pour soutenir le sceptre