Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/329

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pidité de nos chevaux, ni pour avoir excité les Maronites à nous attaquer dans l’occasion présente, si je n’avais inopinément amené avec moi assez d’Arabes pour faire avorter ce projet ; non, ce n’est pour aucun ni même pour la totalité de ses crimes, quoiqu’ils lui aient bien mérité un tel sort, que vous le voyez maintenant étendu devant vous ; c’est parce que, à peine une demi-heure avant de venir souiller notre présence comme le simoun[1] empoisonne l’atmosphère, il a poignardé son frère d’armes et son complice, dans la crainte qu’il ne confessât les infâmes complots auxquels tous deux s’étaient livrés.

— Comment ! s’écria Richard, Conrad assassiné, et par le grand-maître, son parrain et son plus intime ami ! Noble soudan, je ne doute point de ta parole ; cependant ceci doit être prouvé autrement…

— Voici le témoin, » interrompit Saladin en montrant le nain encore tremblant d’horreur. « Allah, qui envoie le ver luisant pour éclairer les heures de la nuit, peut faire découvrir les crimes secrets par les moyens les plus humbles. »

Le soudan raconta ensuite ce que lui avait appris le nain. Par une puérile curiosité, ou plutôt, comme il le laissa entendre, dans l’espoir de trouver quelque chose à piller, Nectabanus s’était glissé dans la tente de Conrad qui avait été abandonné par ses serviteurs ; quelques uns avaient quitté le camp pour porter à son frère la nouvelle de sa défaite, et les autres profitaient des moyens que Saladin leur avait donnés de faire bombance. Le blessé dormait sous l’influence du merveilleux talisman de Saladin, de sorte que le nain eut l’occasion de fureter à son aise jusqu’au moment où il fut effrayé par le bruit d’un pas lourd ; il se cacha derrière un rideau d’où il pouvait voir cependant les mouvements et entendre les paroles du grand-maître qui entra et ferma soigneusement la tente derrière lui ; sa victime se réveilla en sursaut, et il paraît que Conrad devina immédiatement le dessein de son ancien camarade, car ce fut d’une voix alarmée qu’il lui demanda pourquoi il venait le déranger.

« Je viens te confesser et t’absoudre, » lui répondit le grand-maître.

Le nain, épouvanté, n’avait pas retenu grand’chose de la conversation qui suivit entre eux ; mais Conrad, disait-il, conjura le

  1. Le simoun, vent du désert d’Arabie, non moins redoutable que le samiel, autre vent du même désert, plus connu des Européens. a. m.