Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/326

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d’or et d’argent, les broderies en arabesques, les châles de Cachemire, les mousselines de l’Inde, qui y étaient déployés dans toute leur richesse ; bien moins encore les friandises, les ragoûts entourés de riz coloré de différentes manières, et toute la recherche de la cuisine orientale. Des agneaux rôtis tout entiers, le gibier et la volaille empilés sur des plats d’or, d’argent et de porcelaine, étaient entremêlés de grands vases de sorbets rafraîchis dans la neige ou avec la glace des cavernes du mont Liban. Une pile de magnifiques coussins placée au haut bout de la table semblait préparée pour le roi du festin et pour les dignitaires qu’il voudrait inviter à partager cette place d’honneur. Du toit de la tente flottaient de tous les côtés des pennons et des bannières, trophées de batailles gagnées et de royaumes renversés. Au milieu dominait une longue lance portant la bannière de la mort avec cette inscription frappante : Saladin, roi des rois ; Saladin, vainqueur des vainqueurs ; Saladin doit mourir ! Les esclaves qui avaient servi le festin étaient dans la tente ; ils se tenaient la tête penchée et les bras croisés, comme des statues funèbres ou comme des automates qui attendent que la main de l’artiste les mette en mouvement.

En attendant ses hôtes royaux, le sultan, imbu des superstitions de son temps, méditait sur un horoscope et sur une lettre que l’ermite d’Engaddi lui avait fait remettre quand il avait quitté le camp.

« Science étrange et mystérieuse ! » se murmurait-il à lui-même ; « en paraissant écarter le voile qui couvre l’avenir, elle égare ceux qu’elle paraît guider et remplit de ténèbres le lieu qu’elle semble éclairer ! Qui n’aurait dit que j’étais ce dangereux ennemi de Richard dont l’inimitié devait se terminer par un mariage avec sa parente ? et cependant il paraît maintenant que l’union du brave comte avec cette dame établira une alliance entre Richard et William d’Écosse, ennemi plus dangereux pour le roi d’Angleterre que je ne le suis moi-même ; car un chat sauvage renfermé dans une chambre avec un homme est plus à craindre pour lui qu’un lion dans un désert lointain. Mais aussi, » continua-t-il en se parlant toujours à lui-même ; « cette combinaison indique que le mari serait chrétien ; chrétien ! » répéta-t-il après une pause ; « voilà ce qui donnait à cet insensé fanatique l’espoir que je pourrais renoncer à ma foi. Mais moi, moi fidèle adorateur du Prophète, cela eût dû suffire pour me désabuser ! Reste là, mystérieux écrit ; tes pronostics sont étranges et funestes, puisque lors même qu’ils sont vrais en eux-