Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/323

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lement distingué par la naissance et la fortune ; le chevalier Kenneth se relève David, comte de Huntingdon, prince royal d’Écosse. »

Il y eut une exclamation générale de surprise, et Édith laissa tomber de ses mains le casque qu’elle venait de recevoir.

« Oui, mes maîtres, dit le roi, la chose est ainsi. Vous savez ce que fit l’Écosse, lorsque après nous avoir promis d’envoyer ce vaillant comte avec une brave compagnie de ses meilleurs et de ses plus nobles lances afin de se joindre à nos armes pour la conquête de la Palestine, elle manqua à tous ses engagements. Ce noble jeune homme, qui devait être le chef des croisés écossais, regarda comme une honte de ne point prêter l’appui de son bras à la sainte guerre ; il nous joignit en Sicile avec un petit nombre de serviteurs fidèles et dévoués, qui fut augmenté par plusieurs de ses compatriotes auxquels le rang de leur chef était inconnu. Les confidents du prince royal, excepté un vieil écuyer, avaient tous péri, et ce secret trop bien gardé faillit me laisser anéantir, sous le nom d’aventurier écossais, une des plus brillantes espérances de l’Europe. Pourquoi ne me confiâtes-vous pas votre rang, noble Huntingdon, lorsque vous vîtes vos jours en danger par la sentence précipitée que me dicta le premier emportement de ma colère ? Croyiez-vous donc Richard capable d’abuser de l’avantage que le hasard lui donnait sur l’héritier d’un roi qui se montra si souvent son ennemi ?

— Je ne vous ai pas fait cette injure, royal Richard, répondit le comte de Huntingdon ; mais mon orgueil ne pouvait supporter que je fisse connaître mon rang de prince d’Écosse, dans le but de sauver une vie que j’avais compromise en trahissant mon devoir. D’ailleurs, j’avais fait le vœu de garder le secret sur ma naissance jusqu’à ce que la croisade fût achevée ; et effectivement je n’en ai parlé qu’in articulo mortis, et sous le sceau de la confession, à ce révérend ermite.

— C’est donc la connaissance de ce secret qui fit que le saint homme me pressa avec tant d’instance de révoquer mon arrêt sévère ? dit Richard ; il avait raison de dire que si ce noble chevalier périssait par mon ordre, le jour viendrait où je souhaiterais n’avoir pas commis cette action, dût-il m’en coûter un membre. Un membre ! j’aurais voulu l’effacer au prix de ma propre vie ; car le monde aurait pu dire que Richard avait abusé de la situation où l’héritier de l’Écosse s’était placé par confiance dans sa générosité.

— Mais pouvons-nous savoir de Votre Grâce, demanda la reine