Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/316

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croyez pas que j’obéisse à cet orgueilleux si vous continuez de désirer mes secours.

— Hélas ! » murmura Conrad avec irrésolution, « que voulez-vous que je dise ? Adieu pour un moment, nous nous reverrons plus tard.

— Ô fatal délai ! s’écria l’ermite ; tu es l’assassin de son âme ! malheureux homme ! Adieu, non pour un moment, mais jusqu’à ce que nous nous rejoignions tous deux, je ne sais où. Et quant à toi, tremble !

— Trembler ! » répondit le templier avec mépris, « je ne le pourrais pas quand je le voudrais. »

L’ermite n’entendit pas sa réponse, car il avait quitté la tente.

« Allons, dépêchons-nous d’expédier cette affaire, dit le grand-maître, puisque tu veux en passer absolument par cette niaiserie. Mais écoute : je crois connaître la plupart de tes péchés par cœur, ainsi nous en supprimerons les détails qui pourraient être un peu longs, et nous commencerons par l’absolution. À quoi bon compter les taches de souillure dont nous allons nous laver les mains ?

— Te connaissant toi-même, tu blasphèmes en parlant d’absoudre les autres.

— Voilà qui n’est pas d’accord avec les canons ; tu es plus scrupuleux qu’orthodoxe, l’absolution d’un mauvais prêtre est aussi bonne que celle d’un saint, autrement que deviendraient les pauvres pénitents ? Quel est l’homme blessé qui demanda jamais au chirurgien s’il avait les mains propres ? Allons ; en finirons-nous avec cette bagatelle ?

— Non ! j’aime mieux mourir sans confession que de profaner le sacrement.

— Alors, noble marquis, reprends courage et ne parle pas ainsi ; dans une heure tu seras vainqueur de la lice, ou tu te confesseras le casque en tête comme un vaillant chevalier.

— Hélas ! grand-maître, tout est d’un funeste augure dans cette affaire : cette étrange découverte faite par l’instinct d’un chien ; la résurrection de ce chevalier écossais qui apparaît dans la lice comme un spectre, tout me présage une fin sinistre.

— Bah ! dit le templier, je t’ai vu diriger vaillamment la lance contre lui dans une joute et avec une chance égale de succès. Imagine-toi que tu es dans un tournoi : et quel est celui qui se comporta mieux que toi en champ clos ? Allons, écuyers et armuriers, il faut équiper votre maître. »