Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/312

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main la chance d’être vainqueur, et d’effacer ainsi la tache de lâcheté et de trahison qui l’a flétri pendant quelque temps. Non, la postérité pourra blâmer dans Richard une folle impétuosité ; mais elle dira que dans ses arrêts il consultait la justice quand il le devait, et la clémence quand il le pouvait.

— Ne te loue pas toi-même, cousin roi, répliqua Édith ; la postérité peut appeler ta justice cruauté, ta clémence caprice.

— Et toi ne te presse pas de t’enorgueillir, comme si déjà ton chevalier, qui n’a pas encore vêtu son armure, la déposait après la victoire. Conrad de Montferrat est regardé comme une bonne lance. Que dirais-tu si l’Écossais était vaincu ?

— Cela est impossible, » reprit Édith d’un ton assuré ; « mes propres yeux ont vu ce Conrad trembler et changer de visage comme un lâche voleur. Il est coupable, et le jugement par combat est un appel à la justice de Dieu. Moi-même, dans une telle cause, je combattrais cet homme sans crainte.

— Par la messe ! je crois que tu en serais capable, jeune fille, et je crois aussi que tu pourrais le vaincre, car il n’exista jamais de plus véritable Plantagenet que toi. » Il s’arrêta, et ajouta d’un ton très grave : « Songe pourtant à te rappeler toujours ce qui est dû à ta naissance.

— Que signifie cet avis donné avec tant de gravité dans un tel moment ? demanda Édith ; suis-je d’un caractère assez léger pour oublier mon nom et mon rang ?

— Je vais te parler franchement et en ami, répondit le roi. Comment traiteras-tu ce chevalier s’il sort vainqueur de la lice ?

— Comment je le traiterai ? » répondit Édith rougissant de honte et de déplaisir ; « et comment puis-je le traiter si ce n’est en noble chevalier, digne des grâces que la reine Bérengère pourrait lui accorder elle-même, s’il l’eût choisie pour sa dame au lieu de faire un choix moins glorieux ? Le dernier des chevaliers peut se dévouer au service d’une impératrice ; mais la gloire de son choix, » ajouta-t-elle avec orgueil, « doit être sa récompense.

— Cependant il vous a beaucoup servie ; et il a bien souffert pour vous, reprit le roi.

— J’ai payé ses services par des honneurs et des applaudissements, et ses souffrances par des larmes, répondit Édith ; s’il eût désiré une autre récompense, il aurait aimé une femme de son rang.

— Ainsi vous n’auriez pas porté le vêtement sanglant pour l’amour de lui, dit le roi Richard.