Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/309

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dants d’Orient et d’Europe furent présentés aux souverains et aux princes, hôtes de Saladin. Chacun fut servi séparément dans sa tente, et le soudan s’était occupé avec tant de sollicitude des habitudes et des goûts de ceux qu’il recevait, que des esclaves grecs étaient placés auprès d’eux pour leur présenter la liqueur défendue à la religion de Mahomet. Avant que Richard eût achevé son repas, le vieil omrah qui avait apporté la lettre du soudan au camp des chrétiens entra avec le plan du cérémonial qui devait être observé le lendemain, jour du combat. Richard, qui était au fait des goûts de son ancienne connaissance, l’invita à lui faire raison avec un verre de vin de Schiraz ; mais Abdallah lui donna à entendre d’un air piteux qu’il y allait de sa vie de s’en abstenir dans les circonstances actuelles, car Saladin, quoique tolérant sous bien des rapports, observait et faisait observer, sous peine des châtiments les plus graves, les lois du Prophète.

« Alors, dit Richard, si le sultan n’aime pas le vin, ce grand consolateur du cœur humain, sa conversion est désespérée, et la prédiction du prêtre insensé d’Engaddi se dissipe comme la paille chassée parle vent. »

Le roi s’entretint alors avec lui pour fixer les conditions du combat, ce qui prit un temps considérable ; car il fut nécessaire sur quelques points de se concerter avec les parties adverses aussi bien qu’avec le soudan.

Tout cela fut enfin réglé et écrit en français et en arabe, et fut signé par Saladin, comme juge de la lice, et par Richard et Léopold, comme garants des deux champions. Au moment où l’omrah prenait congé du roi pour le soir, de Vaux entra.

« Le bon chevalier, dit-il, qui doit combattre demain désire savoir s’il lui sera permis ce soir de rendre ses hommages à son royal parrain ?

— L’as-tu vu, de Vaux, » lui demanda le roi en souriant ; « n’as-tu pas retrouvé une ancienne connaissance ?

— Par Notre-Dame de Lanercost ! répondit de Vaux, il y a tant de surprises et de métamorphoses dans ce pays que ma pauvre tête en tourne. J’aurais à peine reconnu sir Kenneth d’Écosse si son beau lévrier, qui a été pendant quelque temps confié à mes soins n’était venu me lécher et me caresser ; et même alors je n’ai reconnu le chien qu’à la largeur de sa poitrine, à la rondeur de sa patte et à sa manière d’aboyer ; car le pauvre animal est peint comme une courtisane vénitienne.