Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/308

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sont pas de ceux qu’on oublie. J’ai la confiance que c’est lui qui combattra demain.

— Il est plein d’espérance et tout entier à ses préparatifs. Je lui ai fourni des armes et un cheval, ayant une haute opinion de lui, d’après ce que j’ai vu sous différents déguisements.

— Et sait-il à qui il a de si grandes obligations ?

— Il le sait. Je fus obligé de me faire connaître en lui faisant part de mon dessein.

— Et vous a-t-il rien avoué ?

— Rien de précis ; mais d’après beaucoup de choses qui se sont passées entre nous, j’ai dû penser que son amour était placé trop haut pour avoir une heureuse issue.

— Et savais-tu que cette passion téméraire s’opposait à tes propres vœux ?

— J’ai pu le deviner ; mais sa passion existait avant que j’eusse formé ces vœux, et je dois ajouter qu’il est probable qu’elle leur survivra. L’honneur ne me permet pas de tirer vengeance du refus que j’essuie sur celui qui n’y eut pas de part. Et d’ailleurs si cette noble dame me le préfère, qui osera dire qu’elle n’a pas rendu justice à un chevalier plein de noblesse ?

— Et cependant de trop bas lignage pour mêler son sang à celui des Plantagenet, » dit Richard avec hauteur.

« Telles peuvent être vos maximes dans le Frangistan, répondit le soudan. Nos poètes d’Orient disent qu’un vaillant conducteur de chameau est digne de baiser les lèvres d’une belle reine, tandis qu’un prince sans courage ne mérite pas de presser des siennes le bas de ses vêtements. Mais avec ta permission, noble frère, je vais prendre congé de toi pour le moment, afin d’aller recevoir le duc d’Autriche et cet autre chevalier nazaréen, tous deux bien moins dignes de notre hospitalité, mais qui cependant doivent être convenablement traités, non pas pour eux-mêmes mais pour notre propre honneur… Car le sage Lokman a dit : « La nourriture que tu as donnée à l’étranger n’est point perdue pour toi ; tandis que son corps en a été fortifié, ton renom et ta gloire en ont également profité. »

Le monarque sarrasin sortit de la tente du roi Richard, et lui ayant indiqué, plutôt par des signes que par des paroles, où était situé le pavillon de la reine et de ses dames, il alla recevoir le marquis de Montferrat et sa suite, pour qui, avec moins de bienveillance, mais avec autant de luxe, le magnifique soudan avait fait préparer des logements. Les rafraîchissements les plus abon-