Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/306

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« Par la tête du Prophète ! voilà un coup merveilleux, » s’écria le soudan examinant avec une minutieuse attention la barre de fer qui venait d’être coupée en deux ; et la lame dont la trempe était si bonne qu’elle ne portait aucune marque après un coup si violent. Il prit alors la main du roi, et, en examinant la grandeur et la force musclée, il sourit en plaçant à côté la sienne, si grêle et si maigre, et si inférieure en chair et en nerf.

« Oui, regardez bien, » dit de Vaux en anglais, « il se passera du temps avant que vos longs doigts de singe en puissent faire autant avec la faucille dorée que vous avez là.

— Silence, de Vaux, dit Richard. Par Notre-Dame ! il entend et devine ce que tu dis. Ne sois pas si grossier, je t’en prie. »

Le soudan dit effectivement l’instant d’après : « Je voudrais bien essayer aussi de faire quelque chose ; mais pourquoi le faible montrerait-il son infériorité aux yeux du fort ?… Cependant chaque pays a ses exercices différents, et ceci paraîtra peut-être nouveau à Melec-Ric. » En parlant ainsi il prit un coussin de duvet et de soie, et, le plaçant devant lui : « Ton arme pourrait-elle couper en deux ce coussin ? demanda-t-il à Richard.

— Non, assurément, répondit Richard ; aucune épée sur la terre, quand ce serait l’Excalibur du roi Arthur, ne peut couper ce qui n’oppose aucune résistance solide.

— Eh bien ! regarde, dit Saladin ; » et relevant la manche de sa robe, il montra un bras long et maigre auquel un exercice constant n’avait laissé que des os, des muscles et des nerfs. Il tira son cimeterre, dont la lame était étroite et recourbée, et qui, loin d’être étincelante comme les épées des Francs, était d’un bleu terne, marquée de nombreuses lignes ondulées qui indiquaient le travail minutieux de l’armurier. Le soudan, maniant cette arme, qui paraissait si faible auprès de celle de Richard, resta suspendu sur le pied gauche qu’il avait légèrement avancé. Il se balança un moment comme pour assurer son coup, puis faisant un pas en avant, il fendit le coussin avec tant d’adresse et si peu d’effort que le coussin parut plutôt se détacher en deux morceaux que séparé avec violence. »

« C’est le tour d’un jongleur, » s’écria de Vaux s’élançant en avant, et ramassant une moitié du coussin qui avait été coupé, comme pour s’assurer de la réalité du fait… « Il y a du grimoire dans tout ceci. »

Le soudan parut le comprendre, car il détacha l’espèce de voile qu’il avait gardé jusque-là ; il le mit en double sur la lame de son