Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/303

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ainsi que le fourreau de leur sabre et de leur poignard, de fin acier de Damas, étaient incrustés d’or.

Cette troupe brillante s’avança au son de la musique militaire, et quand elle joignit le petit corps des chrétiens, elle ouvrit ses rangs à droite et à gauche pour le laisser défiler. Richard se mit alors à la tête de sa troupe, comprenant que Saladin lui-même s’approchait. En effet, un moment après, au milieu de sa garde, des officiers de sa maison et de ces nègres hideux qui gardent les harems, et dont la difformité ressortait encore sous la magnificence de leurs vêtements, parut le soudan, avec le regard et le maintien de celui sur le front duquel la nature a écrit : « Ceci est un roi ! » La tête couverte d’un turban blanc comme la neige, et portant une robe et de larges pantalons à l’orientale, d’un blanc également pur, noués par une ceinture de soie écarlate et sans ornement, Saladin pouvait paraître, au premier coup d’œil, l’homme le plus simplement vêtu de sa garde. Mais, en l’examinant de plus près, on remarquait sur son turban cette perle inestimable que les poètes ont appelée le siège de la lumière ; le diamant qu’il portait au doigt, et sur lequel son cachet était gravé, valait probablement tous les joyaux de la couronne d’Angleterre, et le saphir qui terminait la poignée de son cangiar ne lui était pas inférieur en valeur. On doit ajouter que pour se protéger contre la poussière qui, dans le voisinage de la mer Morte, ressemble à des cendres tamisées, ou peut-être par un raffinement d’orgueil oriental, le soudan portait à son turban une espèce de voile qui dérobait en partie la vue de ses nobles traits. Il montait un coursier arabe, blanc comme la neige, qui semblait fier du noble fardeau qu’il portait.

Il n’y avait pas besoin de présentation. Les deux héros, car ils l’étaient véritablement tous deux, se jetèrent en même temps à bas de leurs chevaux ; les troupes s’arrêtèrent, et la musique cessa tout d’un coup ; ils s’avancèrent en silence au devant l’un de l’autre ; après s’être courtoisement salués, les deux souverains s’embrassèrent comme des frères et des égaux. Le luxe et la magnificence étalée des deux côtés cessèrent d’attirer les regards, chacun ne vit plus que Richard et Saladin, et eux aussi ne virent bientôt plus qu’eux-mêmes. Cependant les regards que Richard jetait sur Saladin étaient plus attentifs et plus curieux que ceux que le soudan portait sur lui ; ce fut le sultan qui rompit le silence.

« Le Mélec-Ric est aussi bien venu près de Saladin que l’eau dans ce désert. J’espère que ce grand nombre de cavaliers ne lui