Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/302

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Mais Édith, dont la litière était proche, avança la tête au dehors, et, tenant à la main une de ces flèches, elle dit : « Roi Richard, prends garde à ce que tu vas faire… Vois, ces flèches n’ont point de fer !

— Fille noble et sensée ! reprit Richard, par le ciel, tu nous fais honte à tous par la promptitude de ton coup d’œil et de ta pensée. Ne vous troublez pas, mes braves Anglais, s’écria-t-il à ses guerriers, leurs flèches n’ont pas de dards, et ils ne portent que des lances inoffensives. Ce n’est qu’une manière sauvage de nous faire accueil, quoique probablement nous les réjouissions en nous montrant inquiets ou troublés… Avancez lentement et en bon ordre. »

La petite phalange s’avança donc environnée par les Arabes, qui poussaient les cris les plus perçants et les plus aigus : leurs archers s’exerçaient à montrer leur adresse en faisant siffler leurs flèches aussi près que possible du casque des chrétiens sans cependant les atteindre, et les lanciers se déchargeaient les uns les autres de si rudes coups de leurs armes émoussées, que plus d’un vida les arçons et pensa perdre la vie à ce jeu dangereux.

Comme ils étaient à peu près à moitié chemin du camp, le roi Richard et sa suite formant le noyau autour duquel ce corps tumultueux de cavaliers criait, hurlait, escarmouchait, galopait et formait une scène de confusion indescriptible, un autre cri aigu se fit entendre, et tous ces guerriers qui entouraient irrégulièrement le front et les flancs des Européens se rassemblèrent tout d’un coup, et formant une colonne longue et profonde, marchèrent, avec ordre et silence, à la suite de l’escorte de Richard. La poussière commençait à s’abaisser devant ceux qui formaient l’avant-garde, lorsqu’ils virent s’approcher à leur rencontre, à travers cette épaisse atmosphère, un corps de cavalerie d’un genre différent et plus régulier, pourvu d’armes offensives et défensives, et digne de servir de gardes-du-corps au plus superbe monarque de l’Orient. Chaque cheval de cette troupe, composée d’environ cinq cents hommes, valait la rançon d’un comte. C’étaient des esclaves géorgiens et circassiens dans la fleur de l’âge. Leurs casques et leurs hauberts étaient formés de mailles d’acier si polies qu’elles étincelaient comme de l’argent ; leurs vêtements étaient des plus éclatantes couleurs, et quelques uns même de drap d’or ou d’argent ; leurs ceintures étaient tissues d’or et de soie ; sur leurs riches turbans flottaient des plumes et étincelaient des pierreries, et la poignée