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l’âme plus fière et plus courageuse d’Édith Plantagenet, qui n’avait pas assez de confiance dans la bonne foi d’un musulman pour être parfaitement à son aise en se trouvant ainsi en son pouvoir. Sa surprise eût donc été moins grande que sa terreur, si elle eût entendu tout-à-coup retentir dans le désert le cri d’Allah hu ! et qu’une troupe de cavalerie arabe eût fondu sur eux comme des vautours sur leur proie… Ces soupçons ne diminuèrent pas lorsqu’à l’approche du soir on aperçut un seul cavalier, remarquable par son turban et sa longue lance, qui voltigeait sur le bord d’une petite éminence, comme un faucon suspendu dans l’air ; dès que l’Arabe entrevit l’escorte royale, il partit avec la rapidité du même oiseau lorsqu’il fend les airs et disparaît de l’horizon.

« Il faut que nous soyons près du lieu désigné, dit le roi Richard, et ce cavalier est sans doute une des vedettes de Saladin… Il me semble que j’entends le bruit des trompettes et des cymbales maures… Rangez-vous en ordre, mes enfants, et formez-vous autour des dames dans une attitude ferme et militaire. »

À ces mots, chaque chevalier, écuyer ou archer, se hâta de prendre son rang. Ils se mirent en marche dans l’ordre le plus serré, ce qui faisait paraître leur nombre encore plus petit. À dire la vérité, quoique ce ne fût peut-être pas de la crainte, il y avait du moins une espèce d’inquiétude mêlée de curiosité dans l’attention que la troupe prêtait aux éclats sauvages de la musique maure qui se faisait entendre par momens avec force du côté où le cavalier arabe avait disparu.

De Vaux dit à l’oreille du roi : « Ne conviendrait-il pas, monseigneur, d’envoyer un page là-haut sur ce banc de sable, ou votre bon plaisir est-il que je pique moi-même en avant ? Il me semble, d’après tout cet appareil, que s’ils ne sont pas plus de cinq cents hommes de l’autre côté de ces montagnes de sable, la moitié de la suite du sultan doit être composée de tambours et de cymbaliers… Partirai-je ? »

Le baron avait serré le mors à son cheval, et il allait lui donner de l’éperon, lorsque le roi s’écria : « Non, pour rien au monde ! cette précaution indiquerait de la méfiance, et ne nous servirait pas à grand’chose en cas de surprise, ce que je ne crains pas. »

Ils continuèrent donc à s’avancer en bon ordre et les rangs serrés, jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus en haut des collines de sable et en vue du lieu désigné par le soudan. Là un spectacle magnifique, mais imposant, se déroula sous leurs yeux.