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l’Occident, reprit l’émir, et je l’ai toujours regardée comme un des symptômes de cette même folie qui vous amène ici pour y chercher un sépulcre vide. Cependant les Francs que j’ai rencontrés m’ont tellement vanté la beauté de leurs femmes, que j’aurais du plaisir, ce me semble, à contempler de mes propres yeux ces charmes qui ont le pouvoir de transformer tant de braves guerriers en instruments de leur volonté.

— Brave Sarrasin, dit le chevalier, si je n’allais pas en pèlerinage au Saint-Sépulcre, je mettrais mon orgueil à te conduire, en me rendant garant de ta sûreté, au camp de Richard d’Angleterre, qui sait plus que tout autre honorer un noble ennemi : et quoique je sois pauvre et sans suite, j’ai cependant assez de crédit pour t’assurer, à toi ou à tout autre, tel que tu parais être, non seulement une parfaite sécurité, mais encore un accueil plein de considération et d’égards. Là tu verrais quelques unes des beautés les plus séduisantes de la France et de l’Angleterre former un petit cercle dont l’éclat éclipse cent fois le lustre des plus beaux diamants.

— Par la pierre de la Caba ! dit le Sarrasin, j’accepterai ton invitation avec autant de franchise qu’elle est faite, si tu veux différer l’accomplissement de ton pèlerinage. Et crois-moi, brave Nazaréen, il vaudra mieux pour toi-même tourner la bride de ton cheval vers le camp de tes frères, car c’est exposer follement sa vie que d’entreprendre le voyage de Jérusalem sans passeport.

— J’ai une passe, » répondit le chevalier en montrant un parchemin, « une passe signée de la main de Saladin, et scellée de ses armes. »

Le Sarrasin inclina sa tête jusque dans la poussière en reconnaissant le sceau et l’écriture du célèbre Soudan d’Égypte et de Syrie, et ayant baisé le papier avec un profond respect, il le pressa sur son front et le rendit au chrétien en disant : « Téméraire chrétien, tu as péché contre ton propre sang ou contre le mien en ne me montrant pas ce papier au premier instant de notre rencontre.

— Vous êtes arrivé la lance en avant, dit le chevalier ; si J’eusse été assailli de cette manière par une troupe de Sarrasins, mon honneur aurait pu me permettre de leur montrer la passe du Soudan, mais jamais à un homme seul.

— Et cependant, » reprit avec hauteur le musulman, « cet homme seul a suffi pour interrompre votre voyage.

— Il est vrai, brave musulman, répondit le chrétien, mais il y en a peu qui te ressemblent ; et de tels faucons ne se réunissent pas