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nommait Abdallah El Hadgi ; il tirait son origine de la famille du Prophète et de la race ou tribu de Hasmen ; et en témoignage de cette illustre généalogie, il portait un turban vert d’une énorme dimension. Il avait aussi fait trois fois le voyage de la Mecque, ce qui lui avait fait donner le nom de Hadgi ou Pèlerin. Malgré tous ces droits à la sainteté, Abdallah était, bien qu’Arabe, un bon compagnon qui aimait à entendre un conte joyeux, et qui mettait de côté sa gravité jusqu’à boire gaîment quand le secret le rassurait contre le scandale. C’était aussi un homme d’état dont Saladin avait employé les talents dans plusieurs négociations avec les princes chrétiens, et surtout avec Richard, auquel la personne d’El Hadgi était non seulement connue, mais encore agréable. Satisfait de l’empressement que Saladin mettait à lui faire promettre par son envoyé un terrain convenable pour le combat, et un sauf conduit pour tous ceux qui désiraient y assister, l’ambassadeur offrant de rester en otage comme gage de la fidélité du soudan, Richard oublia bientôt le chagrin que lui causaient ses espérances trompées et la dissolution de la ligue chrétienne, dans les discussions intéressantes qui précèdent un combat en champ clos.

Le lieu appelé le Diamant du désert fut désigné pour le combat, comme étant à peu près à une distance égale du camp des chrétiens et de celui du soudan. Il fut convenu que Conrad de Montferrat, avec ses parrains, l’archiduc d’Autriche et le grand-maître des templiers, y paraîtraient, le jour fixé pour le combat, avec cent hommes armés à leur suite ; que Richard d’Angleterre et son frère Salisbury, qui soutenaient l’accusation, s’y rendraient avec un nombre égal de guerriers pour protéger leur champion, et que le soudan amènerait avec lui une garde de cinq cents hommes d’élite, qui n’était considérée que comme l’équivalent de deux cents lances chrétiennes. Le sultan se chargeait de faire préparer la lice, ainsi que de tous les arrangements et rafraîchissements nécessaires pour recevoir ceux qui devaient assister à cette solennité. Ses lettres exprimaient avec beaucoup de courtoisie le plaisir qu’il se promettait d’une entrevue pacifique avec Melec-Ric, et son extrême désir de lui faire un accueil qui pût lui être agréable.

Tous les préliminaires ayant été réglés et communication en étant faite au défendant et à ses parrains, Abdallah El Hadgi fut admis à une audience plus intime, et il entendit avec délices les accords harmonieux de Blondel. Après avoir pris soin de mettre de côté son turban vert, et de choisir à sa place un bonnet grec, il chanta à