Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/296

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gne. Il n’est pas probable que le déshonneur d’une autre chrétienne les chasse de la Palestine…

— Appelles-tu une honte de devenir impératrice ?

— J’appelle honte et déshonneur de profaner un sacrement chrétien en le recevant avec un infidèle qu’il ne peut pas lier ; et je me croirais couverte d’une ignominie ineffaçable si moi, descendante d’une princesse chrétienne, je devenais volontairement la première sultane d’un harem de concubines païennes.

— Eh bien ! cousine, je ne veux pas me fâcher avec toi, quoiqu’il me semble que ton état dépendant eût pu te disposer à plus de condescendance.

— Mon roi, répondit Édith, Votre Grâce a dignement succédé aux états, dignités et richesses de la maison des Plantagenet… N’enviez donc pas à votre pauvre parente quelque portion de leur orgueil.

— Par ma foi, jeune fille, dit le roi, tu m’as désarçonné par ce seul mot… Ainsi donc embrassons-nous et soyons amis… Je dépêcherai présentement un messager à Saladin… Mais après tout ne feriez-vous pas mieux de différer la réponse jusqu’après l’avoir vu. On le dit d’une beauté remarquable.

— Il n’y a pas de chance que nous nous voyions, milord.

— Par saint George ! il y a certitude du contraire, reprit le roi ; car Saladin nous fournira probablement un champ clos pour ce combat de la bannière, et sans doute il en sera spectateur lui-même… Bérengère meurt d’envie de le voir aussi, et j’oserais jurer qu’aucune de ses dames ne restera en arrière. Vous moins que toute autre, belle cousine… Mais allons, nous voici arrivés au pavillon, et il faut nous séparer, sans rancune, je l’espère… Il faut sceller notre réconciliation, belle Édith, avec tes lèvres comme avec ta main… Comme souverain, j’ai droit d’embrasser mes jolies vassales. »

Il l’embrassa respectueusement et avec affection, et retourna chez lui par le clair de lune, se fredonnant à lui-même ceux des refrains de Blondel qui lui revenaient à la mémoire.

À son arrivée dans sa tente, il se mit aussitôt à préparer ses dépêches pour Saladin, et il les remit au Nubien en lui recommandant de partir à la pointe du jour pour retourner vers le soudan.