Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/292

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— Je continuerai le rhythme qui plaît à Votre grâce, » dit Blondel en recommençant à préluder.

« Mais auparavant excite ton imagination par une coupe de vin de Chio, reprit le roi : je voudrais te voir mettre de côté cette nouvelle invention qui vient de t’assujettir à terminer ton dernier couplet sur deux seules rimes. C’est une contrainte que tu imposes à ton génie, et qui te fait ressembler à un homme qui danse dans les fers.

— Ce sont du moins des fers qu’on soulève facilement, » dit Blondel en faisant voltiger ses doigts sur les cordes de la harpe, comme s’il eût préféré jouer au lieu d’écouter cette critique.

« Mais pourquoi les prendre, mon ami, continua le roi, pourquoi enchaîner ton imagination avec des liens de fer ? Je m’étonne que tu puisses continuer ainsi… Je suis bien sûr qu’il m’aurait été impossible, à moi, de composer une stance dans cette mesure embarrassante. »

Blondel baissa la tête et parut s’occuper des cordes de sa harpe pour cacher un sourire involontaire qui s’était glissé sur ses traits. Mais il ne put se dérober à l’observation de Richard.

« Par ma foi ! tu te moques de moi, Blondel, s’écria-t-il, et en bonne conscience, tout homme qui ose faire le maître quand il n’est que l’écolier mérite bien cela… Mais nous autres rois, nous prenons la mauvaise habitude d’être entiers dans nos opinions… Allons, continue ton lai, cher Blondel… continue à ta manière qui vaut mieux que tout ce que nous pourrions dire. »

Blondel reprit son lai ; mais comme la composition improvisée lui était familière, il ne manqua pas de suivre les avis du roi en reprenant les rimes croisées, et ne fut peut-être pas fâché de montrer par là avec quelle facilité il pouvait changer la forme d’un poème, même pendant qu’il le récitait.

LA ROBE SANGLANTE.
SECONDE PARTIE.

Cent chevaliers, tous brillants de vaillance.
Dans le tournoi mesurèrent leurs bras ;