Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/291

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Dans le tournoi va montrer ton courage,
Quand le danger redouble tes efforts,
Et combattant au plus fort du carnage
Reviens vainqueur, ou reste au rang des morts. »

D’un air joyeux, et d’une main avide,
Le chevalier saisit le vêtement,
Puis le pressant sur son cœur intrépide,
Il dit (d’abord le baisant humblement) :
« Fort honoré me tiens de ce doux gage,
Bienheureux, est l’instant où le reçois
Et bienheureux est aussi le message
Que viens ici d’entendre par ta voix. »

« Page, va dire à la princesse,
Que, sous ce lin frêle et léger,
Mon cœur palpitant de tendresse,
Défiera le fer meurtrier ;
Mais dis-lui que si ma prouesse
Dans la lice cueille un laurier,
Il faut qu’à son tour ta maîtresse
Accorde un don au chevalier. »

« Tu nous as changé la mesure tout d’un coup dans ce dernier couplet, mon cher Blondel, dit le roi.

— C’est vrai, milord, répliqua Blondel, j’ai traduit de l’italien ces vers qui me furent donnés par un vieux harpiste que je rencontrai à Chypre, et n’ayant pas eu le temps d’en faire une traduction bien exacte, ni de les apprendre par cœur, je suis obligé de suppléer, comme je peux et pour le moment, aux lacunes qui se trouvent dans la musique et les vers, à peu près comme vous voyez les paysans raccommoder une haie vive avec un fagot.

— Non, sur ma foi, dit le roi, j’aime ces petits vers rapides et qui frappent à coups répétés. Il me semble qu’ils vont fort bien et varient agréablement la musique au milieu d’une mesure plus prolongée.

— L’une et l’autre sont permises, comme Votre Grâce le sait bien, reprit Blondel.

— Je le sais, Blondel ; cependant je trouve que des scènes où il doit être question de combats sont mieux décrites soit en rimes de dix syllabes, soit en vers de huit pieds entremêlés, que si l’on emploie les solennels alexandrins : la rapidité des petits vers rappelle la charge de la cavalerie, tandis que l’autre mesure ressemble à l’allure plus modérée du palefroi d’une dame[1].

  1. On a été obligé de faire subir quelque altération au sens original de ce passage, à cause des propriétés différentes de la versification anglaise et de celle de notre langue. Le texte de la ballade est moitié en vers de dix syllabes, moitié en alexandrins anglais très différents des nôtres : mais toutes les stances de la première partis en anglais sont chacune sur une seule rime huit fois répétée, ce qu’il était impossible d’imiter en français, bien que les observations du roi Richard portent sur cette difficulté vaincue. a. m.