Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/282

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et passionné fut sa seule réplique à la question de l’illustre Édith,

« Je vois, je comprends que j’ai deviné juste, reprit Édith. Je vous avais remarqué dès le premier moment où vous parûtes près de la plate forme où j’étais avec la reine. J’avais reconnu aussi votre courageux lévrier. Elle serait déloyale et indigne des services d’un chevalier tel que toi, la dame à qui un changement de costume, ou même de couleur, pourrait faire méconnaître un serviteur si fidèle. Parle donc sans crainte à Édith Plantagenet ; elle saura consoler dans l’adversité le bon chevalier qui la servit, l’honora et accomplit en son nom de beaux faits d’armes quand la fortune lui était propice. Est-ce la crainte ou la honte qui te retient ? La crainte ? elle devrait t’être étrangère ; et quant à la honte, qu’elle soit le partage de ceux qui osèrent t’outrager ! »

Le chevalier, au désespoir d’être obligé de jouer le muet dans une entrevue si intéressante, ne put exprimer sa mortification qu’en soupirant profondément, et en posant son doigt sur ses lèvres. Édith se recula avec un peu de mécontentement.

« Quoi ! dit-elle, ai-je devant moi un véritable muet d’Asie ? Je ne m’attendais pas à cela : peut-être me méprises-tu en m’entendant convenir avec franchise que j’avais secrètement remarqué l’hommage que tu me rendais ? Mais que cela ne te fasse pas mal juger Édith : elle connaît les bornes que la réserve et la modestie prescrivent aux filles d’un sang illustre ; et elle sait quand et jusqu’à quel point elles doivent céder à la reconnaissance ; elle ne doit pas rougir d’avouer le désir sincère qu’il fût en son pouvoir de te récompenser de tes services et de réparer le mal qui fut causé par le dévouement qu’un brave chevalier avait pour elle. Pourquoi joindre les mains et les tordre avec cette violence ? Est-ce possible ? » ajouta-t-elle tressaillant à cette idée, « se pourrait-il que leur cruauté t’eût réellement privé de la parole ? tu secoues la tête ? Eh bien, que ce soit un charme ou obstination de ta part, je ne te questionnerai pas davantage, et te laisserai remplir ton message à ta manière : moi aussi, je puis être muette. »

Le chevalier déguisé fit un geste comme pour se plaindre de son sort et conjurer son ressentiment ; et en même temps il lui présenta la lettre du soudan, enveloppée dans un morceau de riche soie recouverte d’un autre de drap d’or. Elle la prit, la regarda avec insouciance ; puis, la mettant de côté et fixant encore une fois ses regards sur le chevalier, elle lui dit à voix basse : « Pas même un mot en accomplissant ton message ? »