Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment qui servait d’antichambre et qu’il ne se rappela que trop bien, passa dans ce lieu qui était la salle de réception de la reine. Il communiqua la volonté de son royal maître d’un ton bas et respectueux, bien différent de la brusquerie de Thomas de Vaux ; car, pour ce dernier, Richard était tout, et le reste de la cour, Bérengère elle-même comprise, rien. Un éclat de rire suivit la communication de ce message.

« Et à quoi ressemble l’esclave nubien qui vient en ambassadeur pour le soudan ? C’est un nègre, Neville, n’est-ce pas ? » dit une voix de femme facile à reconnaître pour celle de Bérengère ; « c’est un nègre, n’est-il pas vrai, avec une peau noire, une tête frisée comme celle d’un bélier, un nez aplati et de grosses lèvres ? N’est-ce pas cela, digne sir Henri ?

— Que Votre Grâce, dit une autre voix de femme, n’oublie pas les jambes cagneuses et recourbées comme un cimeterre sarrasin.

— Plutôt comme l’arc de Cupidon, puisqu’il est question de l’envoyé d’un amant, reprit la reine. Bon Neville, tu es toujours prêt à nous faire plaisir, à nous autres pauvres femmes qui en avons si peu dans nos moments de loisir. Il faut que tu nous montres ce messager d’amour. J’ai vu beaucoup de Turcs et de Maures ; mais jamais aucun nègre.

— Je suis fait pour obéir aux ordres de Votre Grâce, dit le chevalier débonnaire, pourvu que vous m’excusiez auprès de mon maître d’en agir ainsi. Cependant permettez-moi d’assurer à Votre Grâce qu’elle va voir un objet bien différent de ce qu’elle imagine.

— Tant mieux ! Comment ? encore plus laid que notre imagination nous le dépeint, et cependant le messager d’amour du brave soudan !

— Gracieuse souveraine, dit lady Caliste, oserai-je vous supplier de vouloir permettre que ce bon chevalier mène tout droit ce messager chez lady Édith pour qu’il lui remette les dépêches qui lui sont adressées ? À peine avons-nous échappé à une inquiétude cruelle pour une fantaisie de ce genre.

— Échappé ! » répéta la reine avec dédain ; « et cependant tu peux avoir raison dans ta prudence, Caliste. Que ce Nubien, comme l’appelle sire Neville, remplisse d’abord son message auprès de notre cousine. D’ailleurs il est muet aussi, n’est-ce pas ?

— Il l’est, ma gracieuse dame, affirma le chevalier.

— Elles peuvent s’amuser royalement, les femmes orientales, dit Bérengère, servies par des gens devant qui elles peuvent tout dire et qui ne peuvent rien répéter, tandis que dans notre camp,