Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que son ressentiment soit bien violent contre moi. Si j’ai bien compris ses paroles, et il me semble impossible de s’y tromper, il me donne une chance glorieuse de réhabiliter mon honneur en courbant la tête altière de ce noble marquis. J’ai lu son crime dans ses regards troublés et sur ses lèvres tremblantes, lorsque Richard proféra l’accusation. Roswall, tu as fidèlement servi ton maître, et le traitement que tu as souffert sera chèrement payé. Mais que veut dire la permission que j’obtiens aujourd’hui d’être introduit près de celle que je désespérais de jamais revoir ? Et comment et pourquoi le royal Plantagenet consent-il à ce que je voie sa divine parente, soit comme messager de l’infidèle Saladin, soit comme le coupable exilé qu’il a si récemment chassé de son camp ? Le téméraire aveu de la passion qui fait son orgueil n’est-il pas ce qui augmente le plus son crime ? Que Richard permette qu’elle reçoive une lettre d’un amant païen, et par les mains de celui qui lui est si inférieur par le rang, ces deux choses me paraissent également incroyables, et même incompatibles. Mais Richard, lorsqu’il n’est pas sous l’empire de ses passions fougueuses, est libéral, généreux et vraiment noble : c’est comme tel que j’en agirai avec lui, étant résolu de suivre ses instructions directes ou indirectes, sans chercher à en savoir davantage que ce qui pourra s’en découvrir par degré sans aucun effort de ma part. Je dois obéissance et soumission à celui qui me donne une si belle occasion de laver mon honneur flétri ; et quelque pénible que soit l’acquit de cette dette, elle sera payée. Et cependant, » ici il s’abandonnait à l’impulsion de son orgueil douloureusement blessé, « Cœur-de-Lion, puisqu’on le nomme ainsi, aurait pu juger des sentiments d’un autre par les siens. Moi, j’oserais ouvrir mon cœur à sa parente ! moi qui ne lui adressai pas seulement un mot lorsque je reçus de sa main le prix du tournoi, alors que je n’étais pas regardé comme l’un des derniers parmi les défenseurs de la croix ! Je l’oserais aujourd’hui en l’approchant sous ce vil déguisement, sous cet habit servile, et lorsque, hélas ! ma condition actuelle est celle d’un esclave ; lorsque j’ai une flétrissure sur ce que j’appelais jadis mon écusson, moi j’aurais cette audace ? ah ! combien il me connaît peu ! cependant je le remercie de me donner cette occasion qui peut servir à nous faire tous mieux connaître les uns aux autres. »

Comme il en arrivait à cette conclusion, ils s’arrêtèrent devant l’entrée du pavillon de la reine. Ils furent naturellement introduits par les gardes ; et Neville, laissant le Nubien dans un petit apparte-