Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/278

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« Voyez donc ! s’écria le roi, le nom seul d’une fille royale, d’une beauté accomplie, telle que notre charmante cousine, semble avoir presque le pouvoir de faire parler un muet. Tu verras cette perle de notre cour, et tu t’acquitteras du message du royal Saladin. »

Le muet leva de nouveau des yeux brillants de joie, et de nouveau il s’inclina ; mais lorsqu’il se releva, le roi, lui appuyant fortement la main sur l’épaule, continua avec une sévère gravité : « Laisse-moi te donner un avis, mon noir messager. Si tu sentais que l’influence bénigne de celle que tu vas bientôt voir a l’effet de délier les nœuds qui retiennent ta langue captive dans les murs d’ivoire de ton palais, comme s’exprime le bon sultan, prends garde de renoncer à ton état de taciturnité, et de proférer un seul mot en sa présence ; car, sois sûr que je saurais te faire arracher la langue jusqu’à la racine ; et quant à son palais d’ivoire, ce qui signifie probablement ta double rangée de dents, sache que je te les ferais tirer lune après l’autre : ainsi sois prudent et toujours silencieux. »

Le Nubien, dès que le roi lui eut ôté sa main de fer de dessus l’épaule, baissa la tête, et posa une main sur ses lèvres en signe d’obéissance.

Mais Richard plaça de nouveau sa main sur lui, quoique plus doucement que la première fois, et ajouta : « Nous te donnons cet ordre comme à un esclave. Si tu étais chevalier et gentilhomme, nous te demanderions ton honneur en garantie du silence, qui est la condition expresse de notre confiance.

L’Éthiopien se redressa avec fierté, regarda le roi en face, et mit sa main sur son cœur.

Richard appela alors son chambellan, et lui dit : « Allez, Neville, avec cet esclave à la tente de notre royale épouse, et dites-lui que notre volonté est qu’il ait une audience particulière de notre cousine Édith. Il est chargé d’une commission pour elle. Tu peux l’y conduire aussi, dans le cas où il aurait besoin de ton aide, quoique tu puisses avoir remarqué qu’il est déjà étonnamment familiarisé avec les détours du camp. Et toi, ami Éthiopien, ajouta le roi, sois prompt dans ce que tu as à faire, et reviens ici sous une demi-heure. »

« Je suis découvert, » pensa le prétendu Nubien, pendant que, les bras croisés et les regards baissés, il suivait Neville qui le conduisait d’un pas rapide à la tente de Bérengère. « Il est évident que le roi Richard m’a reconnu et pénétré ; cependant je ne vois pas