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plusieurs rapports avaient circulé, considéraient les autres nations comme jalouses de la gloire de l’Angleterre et de leur roi, et disposées à la flétrir par les artifices les plus bas. Il se répandit à cette occasion plusieurs bruits divers, dont l’un affirmait que la reine et ses dames avaient été fort effrayées du tumulte, et que l’une d’elles s’était même évanouie.

Le conseil s’assembla à l’heure indiquée. Conrad avait eu le temps de mettre de côté son habit déshonoré, et avec lui la honte et la confusion dont, malgré sa présence d’esprit ordinaire, il n’avait pu se défendre dans un accident si étrange, et une accusation si soudaine. Il parut vêtu en prince souverain, et rentra dans la salle du conseil accompagné de l’archiduc d’Autriche, du grand-maître du Temple et de l’ordre de Saint-Jean, et de plusieurs autres personnages illustres qui paraissaient vouloir le soutenir, peut-être par des motifs politiques, ou parce qu’eux-mêmes nourrissaient des sentimens d’inimitié personnelle contre Richard.

Cette apparence de ligue en faveur du marquis de Montferrat fut loin d’avoir aucune influence sur Richard. Il prit place dans le conseil d’un air aussi indifférent qu’à l’ordinaire et dans le costume avec lequel il venait de descendre de cheval. Il jeta un regard insouciant et même un peu dédaigneux sur les chefs qui avaient mis une certaine affectation à se ranger autour de Conrad comme s’ils embrassaient sa cause, et dans les termes les plus directs, il accusa Conrad de Montferrat d’avoir volé la bannière d’Angleterre, et blessé le fidèle animal qui la défendait.

Conrad se leva hardiment pour répondre, et déclara : qu’en dépit de l’accusation des hommes et des brutes, des rois et des chiens, il se déclarait innocent du crime qu’on lui imputait.

« Mon frère d’Angleterre, » dit alors Philippe, qui se chargeait volontiers du rôle de conciliateur, « voici une accusation extraordinaire. Nous ne voyons articuler aucun fait qui soit à votre connaissance personnelle, et toute votre conviction repose sur l’action du chien envers le marquis de Montferrat. Assurément la parole d’un chevalier et d’un prince devrait l’emporter sur l’aboiement d’un lévrier.

— Royal frère, répondit Richard, le Tout-Puissant qui nous donna le chien pour compagnon de nos plaisirs et de nos travaux l’a doué d’un naturel noble et incapable d’astuce. Il n’oublie ni un ami, ni un ennemi, et se rappelle exactement le bienfait et l’injure. Il a une portion de l’intelligence de l’homme sans avoir part à