Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maison à l’imitation de l’usage barbare des Sarrasins. Au dessus de la tête du roi, flottaient les larges plis de la bannière, et ses yeux, qui s’y portaient de temps en temps, semblaient indiquer que cette cérémonie, qu’il regardait comme indifférente pour lui-même, n’avait d’importance qu’en ce qu’elle offrait la réparation d’un outrage fait à son royaume. Derrière et sur le sommet de l’éminence, on avait élevé pour cette occasion une tour de bois qui contenait la reine Bérengère et les premières dames de sa suite. Le roi y jetait de temps en temps les yeux ; il les reportait aussi quelquefois sur le Nubien et son chien, mais seulement lorsqu’il voyait approcher des chefs que, d’après des circonstances antécédentes qui prouvaient leur malveillance, il pouvait soupçonner de complicité dans le vol de l’étendard, et qu’il jugeait capables d’une telle lâcheté.

C’est pourquoi il ne fit pas ce mouvement quand Philippe-Auguste de France s’approcha à la tête de la brillante chevalerie française ; au contraire, il alla au devant du roi de France au moment où celui-ci gravissait le mont de manière qu’ils se joignirent tous deux à moitié chemin et échangèrent leurs salutations de si bonne grâce, que leur rencontre parut avoir lieu sur un pied d’égalité fraternelle. La vue des deux plus grands princes de l’Europe en rang et en puissance, se donnant ces témoignages publics de concorde, excita dans l’armée des croisés de bruyantes acclamations qui se répétèrent pendant l’espace de plusieurs milles. Et les vedettes du désert alarmèrent le camp de Saladin, par la nouvelle que l’armée des chrétiens était en marche. Cependant, excepté le roi des rois qui peut lire dans le cœur des monarques, sous cette apparence flatteuse de courtoisie, Richard nourrissait en secret contre Philippe le mécontentement et la méfiance ; et Philippe méditait de se retirer avec ses troupes, et de laisser Richard réussir ou échouer dans son entreprise, sans autre secours que ses propres forces.

Le maintien de Richard fut différent quand les chevaliers et les écuyers du Temple, aux sombres armures, passèrent à leur tour. Ces guerriers, dont le teint, brûlé par le soleil de la Palestine, était presque aussi brun que celui des Asiatiques, étaient admirablement équipés, ainsi que leurs chevaux, et d’une manière très supérieure même aux troupes d’élite de la France et de l’Angleterre. Le roi jeta un regard rapide de côté, mais le Nubien ne bougea pas, et son chien fidèle, assis à ses pieds, contemplait d’un œil intelligent et satisfait les troupes qui défilaient devant eux. Le regard du roi se reporta donc sur les chevaliers templiers, tandis que le grand-maître,