Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/265

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terre, « en gage d’estime et d’amitié, non de soumission et de vasselage, » comme on avait eu soin de l’exprimer dans le protocole de la cérémonie. Les dignitaires de l’Église qui, dans ces temps-là, ne se découvraient pas la tête devant des créatures, donnaient au roi et à l’emblème de sa puissance une bénédiction au lieu d’un salut.

Les troupes défilèrent ainsi ; et, toutes diminuées qu’elles fussent par diverses causes, elles formaient encore une armée formidable, à laquelle la conquête de la Palestine pouvait paraître une tâche facile. Les soldats, pleins du sentiment de force que leur donnait leur réunion, se tenaient droit sur leurs selles de fer, tandis que le son des trompettes paraissait plus joyeux et plus éclatant, et que les chevaux, rafraîchis par le repos et la nourriture, couvraient leurs mors d’écume et foulaient la terre avec plus de fierté. Ils défilaient, par corps d’armée, sans interruption ; les bannières agitées, les lances étincelantes, les plumes balancées gracieusement par le vent, formaient une longue et brillante perspective. Cette foule hétérogène, composée de nations diverses, différant entre elles par le teint, les traits, le langage et les armes, semblait alors enflammée du pieux, mais romanesque dessein, de briser les fers de la fille désolée de Sion, et de délivrer la terre sacrée du joug des infidèles païens. Et l’on doit avouer que si, dans d’autres circonstances, l’espèce d’hommage rendu au roi d’Angleterre par tant de guerriers qui n’étaient pas ses sujets, pouvait avoir quelque chose d’humiliant, cependant, la nature et la cause de la guerre étaient tellement d’accord avec son caractère vraiment chevaleresque et ses hauts faits d’armes, que des prétentions qu’on aurait pu repousser partout ailleurs, étaient oubliées dans cette occasion. Le brave rendait volontairement hommage au plus brave dans une expédition dont le courage le plus énergique pouvait seul assurer le succès.

Le bon roi était à cheval, à mi-côte à peu près de la colline ; un casque surmonté d’une couronne et la visière levée laissait ses traits mâles à découvert. D’un œil calme et froid, il examinait tous les rangs qui passaient devant lui, et rendait aux chefs leur salut. Sa tunique, de velours bleu, était couverte de plaques d’argent, et ses hauts-de-chausses, de soie cramoisie, étaient tailladés de drap d’or. À côté de lui, était l’esclave tenant en laisse son noble chien. Cette circonstance n’attirait l’attention en aucune manière ; la plupart des princes de la croisade avaient introduit des esclaves noirs dans leur