Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/263

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prononcer pour notre langue orientale que sa beauté est délicieuse à nos yeux. »

Sir Kenneth réfléchit un moment avant de répondre, et le Sarrasin, remarquant qu’il hésitait, lui demanda s’il craignait de se charger de ce message.

« Non pas, quand même la mort devrait en suivre l’exécution, répondit sir Kenneth ; mais j’examinais si mon honneur me permettait de porter la lettre du soudan, et s’il était compatible avec celui de lady Édith de la recevoir d’un prince païen.

— Par la tête de Mahomet et par l’honneur d’un soldat ! par la tombe de la Mecque et par l’âme de mon père ! s’écria l’émir, je te jure que cette lettre est écrite dans les termes les plus honorables et les plus respectueux. Le chant du rossignol flétrira plutôt la rose dont il est amoureux, que les paroles de Saladin n’offenseront les oreilles de la belle parente de Richard.

— En ce cas, dit le chevalier, je porterai la lettre du soudan aussi fidèlement que si j’étais son vassal ; bien entendu qu’excepté ce message, dont je m’acquitterai avec exactitude, je suis de tous les hommes le moins disposé à lui servir d’intermédiaire ou de conseil dans ses étranges amours.

— Saladin est noble, répondit l’émir, et il n’excitera pas un cheval généreux à sauter un pas qu’il ne saurait franchir… Viens avec moi dans ma tente, ajouta-t-il, et tu seras promptement pourvu d’un déguisement aussi impénétrable que la nuit. Alors tu pourras parcourir le camp des nazaréens avec autant de sécurité que si tu portais à ton doigt l’anneau de Giaougi[1].

  1. Peut-être le même que Gygès, dont l’anneau rendait invisible celui qui le portait. a. m.