Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le chevalier écossais, qui avait soutenu la colère du lion Richard, ne se laissa pas effrayer par la fureur de tigre du Sarrasin.

« Ce que j’ai dit, » reprit-il en croisant les bras d’un air intrépide, « je le soutiendrais envers et contre tous, et je ne regarderais pas comme l’action la plus mémorable de ma vie de le prouver avec ma bonne épée contre une trentaine de ces faucilles et de ces épingles ; » il désignait le sabre et le poignard de l’émir.

Tandis que sir Kenneth prononçait ces paroles, le Sarrasin reprit assez de calme pour retirer la main qu’il avait portée à son arme, comme si le mouvement eût été fait sans intention, mais il était encore profondément irrité.

« Par l’épée du Prophète, dit-il, qui est à la fois la clef du ciel et de l’enfer, il faut faire peu de cas de la vie, frère, pour employer le langage dont tu te sers ! Crois-moi, si tes mains étaient libres comme tu le dis, un seul des vrais croyants leur donnerait tant d’occupation que tu souhaiterais bientôt qu’elles fussent de nouveau enchaînées par des menottes de fer.

— J’aimerais mieux que l’on m’arrachât les bras des épaules ! répondit sir Kenneth.

— Bien ! mais tu as les mains liées en ce moment, » dit le Sarrasin d’un ton plus amical, « liées par tes propres sentiments de délicatesse et de courtoisie, et je n’ai pas, quant à présent, le projet de les rendre libres. Nous avons éprouvé mutuellement notre force et notre courage avant aujourd’hui ; nous pouvons nous rencontrer encore sur le champ de bataille, et honte à celui qui s’éloignerait alors le premier de son ennemi !… Mais en ce moment nous sommes amis, et j’attends plutôt de toi des services que des paroles d’insulte et de défi.

— Nous sommes amis ! » répéta le chevalier, et il y eut une pause, pendant laquelle l’ardent Sarrasin parcourut la tente à grands pas, comme le lion qui, dit-on, après un accès violent de fureur, emploie ce moyen pour calmer la chaleur de son sang avant de s’étendre dans son antre. L’Européen, plus froid, garda la même altitude et le même visage qu’auparavant ; mais sans doute il cherchait aussi intérieurement à dompter l’irritation qui s’était éveillée si subitement.

« Raisonnons là-dessus avec calme, dit le Sarrasin ; tu sais que je suis médecin, et il est écrit que celui qui veut la guérison de ses blessures ne doit pas reculer quand le médecin veut les sonder… Je vais donc mettre le doigt sur la plaie… Tu aimes cette parente de