Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/255

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laquelle il s’était endormi, qu’il se demanda s’il n’était point sous l’influence d’un rêve, ou si la scène n’avait pas été changée magiquement. Au lieu de l’herbe humide, il était couché sur un lit qui offrait un luxe plus qu’oriental ; quelque main bienfaisante l’avait dépouillé du justaucorps de chamois qu’il portait sous son armure, et y avait substitué un vêtement de nuit du plus beau lin, et une ample robe de soie. Il s’était endormi abrité par les palmiers du désert, et il se réveillait sous un riche dais de soie éclatant des plus brillantes couleurs de la Chine ; sa couche était entourée d’un léger rideau de gaze destiné à protéger son repos contre les insectes dont il avait été constamment la proie passive depuis son arrivée dans ces climats. Il regarda autour de lui pour se convaincre qu’il était réellement éveillé, et tout ce qui vint frapper ses yeux était d’accord avec la magnificence de son lit. Un bain était préparé dans une baignoire portative de bois de cèdre doublée en argent, et il exhalait les parfums dont on s’était servi pour le composer. Sur une petite table d’ébène, à côté de la couche, était un vase d’argent contenant un sorbet aussi froid que la neige, et du goût le plus exquis ; la soif occasionée par l’usage du narcotique lui fit paraître cette boisson encore plus délicieuse. Pour achever de dissiper son engourdissement, le chevalier se décida à profiter du bain, et il se sentit agréablement rafraîchi après l’avoir pris. Après s’être essuyé avec des serviettes de laine des Indes, il se préparait à reprendre ses vêtements militaires, afin d’aller voir si le monde était aussi changé au dehors qu’autour de lui. Mais il les chercha vainement ; à leur place il trouva un habit sarrasin d’une riche étoffe, avec l’épée et le poignard, le tout convenable pour un émir de distinction. Il ne put s’expliquer autrement cette recherche de soins que par le soupçon qu’on essayait d’ébranler sa foi religieuse ; car on savait que la haute estime du soudan pour les connaissances et le savoir des Européens le portait à combler de dons ceux qui, après avoir été ses prisonniers, se laissaient persuader de prendre le turban. Sir Kenneth, se signant donc dévotement, résolut de braver tous ces pièges ; et, afin de pouvoir le faire avec plus de fermeté, il se décida à ne faire que l’usage le plus modéré du luxe extraordinaire dont on l’avait entouré. Cependant il se sentit encore la tête pesante et engourdie ; sachant d’ailleurs que son déshabillé ne lui permettait pas de se montrer au dehors, il s’étendit sur sa couche, et s’endormit encore une fois.

Mais cette fois son repos fut interrompu ; il fut éveillé par la voix