Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manteau arabe qu’on avait attaché au pommeau de sa selle ; et, suivant les conseils du médecin, il s’étendit commodément à l’ombre pour y attendre le repos. Le sommeil ne vint pas aussitôt, mais à sa place une suite de sensations douces et vagues le conduisit insensiblement à un état, où, conservant le sentiment de son identité et de sa situation, le chevalier la considérait non seulement sans crainte et sans chagrin, mais avec autant de calme que s’il eût vu l’histoire de ses malheurs représentée sur un théâtre, ou plutôt comme un esprit délivré des liens du corps regarderait les événements de sa vie passée. De cet état de repos qui allait presque à l’apathie relativement au passé, ses pensées se reportèrent vers l’avenir qui, malgré tous les nuages qui en pouvaient obscurcir la perspective, lui apparut brillant de couleurs telles que son imagination, sans stimulant factice, ne les aurait jamais revêtues, même dans son plus haut point d’exaltation. La liberté, la gloire, l’amour heureux allaient bientôt embellir la destinée du captif exilé, du chevalier déshonoré, de l’amant sans espoir, qui avait placé ses espérances de bonheur là où il ne semblait pas probable que la fortune même, dans ses caprices les plus bizarres, pût les accomplir jamais. Graduellement, son observation intellectuelle devint confuse ; ces brillantes visions s’obscurcirent comme les teintes mourantes du soleil couchant, et vinrent enfin se perdre dans un anéantissement total. Sir Kenneth resta étendu aux pieds d’El Hakim, et, sans sa forte respiration, il eût offert l’apparence d’un corps privé de vie.


CHAPITRE XXIII.

LA MÉTAMORPHOSE.


Au milieu de ces lieux sauvages, la baguette d’un enchanteur a touché cette contrée mystérieuse, et en a changé tout-à-coup la surface, et les scènes magiques qui nous entourent ressemblent aux vaines images que présentent des rêves fébriles.
Le Roman d’Astolphe.


Quand le chevalier du Léopard s’éveilla de son long et profond sommeil, il se trouva dans une situation si différente de celle dans