Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/250

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« Qu’avez-vous à craindre de ces cavaliers chrétiens, car ils me paraissent être tels ? dit-il à Hakim.

— Craindre ! » répéta El Hakini d’un ton de mépris. « Le sage ne craint que le ciel… Mais on attend toujours des méchants tout le mal qu’ils peuvent faire.

— Ce sont des chrétiens, dit sir Kenneth, et nous sommes en temps de trêve… Pourquoi croiriez-vous à une violation de la paix ?

— Ce sont les prêtres-soldats du Temple, répondit El Hakim, dont le vœu est de ne connaître ni foi ni trêve avec les adorateurs d’Islam. Puisse le Prophète les détruire jusqu’à la racine avec leurs branches et leurs rejetons ! Leur paix n’est que guerre, leur parole une perfidie. Les autres ennemis de la Palestine ont leurs moments de courtoisie. Le lion Richard épargne ceux qu’il a vaincus… L’aigle Philippe ferme ses ailes quand il a abattu sa proie… L’ours autrichien lui-même s’endort quand il est rassasié ; mais cette horde de loups toujours affamés ne connaît ni relâche ni satiété dans ses rapines. Ne voyez-vous pas qu’ils détachent une petite troupe de leur corps principal, et qu’ils prennent la route de l’est ?… Ce sont leurs pages et leurs écuyers, initiés comme les maîtres dans ces infâmes mystères, et que ceux-ci envoient, comme plus légèrement montés, pour nous empêcher d’arriver à la source où nous devons nous rafraîchir… Mais ils seront frustrés dans leur attente… Je connais la guerre du désert encore mieux qu’eux. »

Il dit quelques paroles à son principal officier, et l’expression de ses traits et de ses manières changeant tout-à-coup, au calme solennel d’un sage d’Orient, plus accoutumé à méditer qu’à agir, succéda le maintien fier et résolu d’un brave soldat dont l’énergie est excitée par l’approche d’un danger qu’il prévoit et qu’il méprise.

Aux yeux de sir Kenneth, la crise qui se préparait avait un tout autre aspect, et lorsque Adonebec lui dit : « Il faut que tu restes attaché à mes côtés, » il répondit par une ferme négation.

« Là-bas, dit-il, sont mes compagnons d’armes… ceux avec lesquels j’ai juré de combattre ou de mourir… Sur leur étendard brille le signe de notre bienheureuse rédemption… Je ne puis pas fuir devant la croix avec les adorateurs du croissant.

— Insensé ! reprit El Hakim, leur première action serait de te condamner à mort, ne fût-ce que pour cacher leur violation de la trêve.

— Il faut que j’en coure le risque, répondit sir Kenneth ; mais je ne porterai pas les fers des infidèles quand je pourrai m’en affranchir.