Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/248

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aurore sombre et vaporeuse qui est le crépuscule d’un matin de la Syrie. Mais quand la première ligne du disque du soleil commença à se lever au dessus de l’horizon perpendiculaire, et quand son premier rayon jaillit et vint faire étinceler chaque goutte de rosée sur la surface du désert que les voyageurs venaient d’atteindre, la voix sonore d’El Hakim lui-même couvrit et interrompit tout d’un coup le récit du narrateur, en faisant retentir les sables de l’appel solennel que les muezzins font chaque jour d’une voix retentissante au minaret de chaque mosquée :

« À la prière ! à la prière ! Dieu est le seul Dieu ! À la prière ! Mahomet est le prophète de Dieu ! À la prière ! à la prière ! le temps fuit et vous échappe ! À la prière, à la prière ! le jour du jugement s’approche ! »

En un moment chaque musulman fut en bas de son cheval ; et tournant son visage vers la Mecque, fit avec le sable le mouvement imitatif de ces ablutions qu’ils étaient obligés en tout autre cas de faire avec de l’eau, tandis que chaque individu, par une courte mais fervente prière, se recommanda à la protection de Dieu et du Prophète, et en implora le pardon de ses péchés.

Sir Kenneth lui-même, quoique sa raison et ses préjugés fussent également révoltés de voir ses compagnons se livrer à ce qu’il regardait comme un acte d’idolâtrie, ne put s’empêcher de respecter la sincérité de leur ferveur, et d’être excité par leur zèle à adresser au ciel des supplications dans une forme plus pure. Cependant il se demandait quel nouveau sentiment pouvait le porter à se joindre par la prière, quoique avec un mode d’invocation différent, à ces mêmes Sarrasins dont il avait considéré le culte comme souillant la terre où s’étaient accomplis de si grands miracles, et où l’étoile de la rédemption avait paru.

Cet acte de dévotion néanmoins, accompli dans une si étrange société, partait du sentiment naturel qu’il avait de ses devoirs religieux, et sir Kenneth en ressentit bientôt l’effet ; son esprit recouvra le calme qui lui avait été enlevé par une suite si rapide de malheurs. La sincère et fervente approche d’un chrétien vers le trône de la Divinité lui donne sans doute la plus efficace leçon de patience dans les afflictions, car comment pourrions-nous supplier la Providence, tandis que nous l’insultons par nos murmures ? Ou comment, après avoir reconnu par nos prières la vanité et le néant des intérêts temporels en comparaison de ceux de l’éternité, aurions-nous l’espoir d’abuser celui qui sonde les cœurs, en laissant