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communs, la fontaine et son voisinage semblaient un petit paradis. Quelque main généreuse et charitable, long-temps avant le commencement des désastres de la Palestine, l’avait entourée d’un mur et couverte d’une voûte pour l’empêcher de se perdre dans la terre ou d’être étouffée par les nuages mobiles de poussière dont le moindre souffle de vent couvrait le désert. La voûte s’était dégradée et avait croulé en partie ; cependant elle s’avançait encore assez en saillie pour couvrir et préserver du soleil ces claires eaux qu’effleurait à peine un de ses rayons, et qui, lorsque tout autour d’elles était en feu, reposaient à l’ombre dans un calme parfait aussi enchanteur à l’œil qu’à l’imagination. S’échappant de la voûte, elles étaient reçues d’abord dans un bassin de marbre fort dégradé à la vérité, mais qui réjouissait la vue en montrant que cet endroit avait été anciennement considéré comme un lieu de repos, que la main de l’homme y avait passé, qu’on s’y était occupé des besoins de l’homme. Le voyageur, accablé de soif et de fatigue, se rappelait à cet aspect que d’autres avaient suivi cette route pénible, s’étaient reposés au même endroit, et sans doute étaient arrivés sans accident dans des contrées plus fertiles. Le petit filet d’eau à peine visible qui s’échappait de ce bassin servait à nourrir le groupe d’arbres qui entourait la fontaine, et là où il s’enfonçait dans le sol pour disparaître entièrement, sa présence se signalait encore par un frais tapis de verdure.

Ce fut dans cet endroit délicieux que les deux voyageurs firent halte ; et chacun, d’après sa coutume ordinaire, s’occupa de soulager son cheval de la selle, du mors et de la bride, et de laisser boire les animaux dans le bassin avant de se rafraîchir eux-mêmes à la source qu’abritait la voûte. Ils laissèrent ensuite leurs coursiers en liberté, convaincus que leur propre intérêt, aussi bien que leurs habitudes d’attachement à leurs maîtres, empêcherait ces animaux de s’écarter d’un lieu qui leur offrait une eau pure et un frais gazon.

Le chrétien et le Sarrasin s’assirent ensuite sur l’herbe, et chacun eut recours à la petite provision dont il s’était muni pour la route. Cependant, avant de commencer leur repas frugal, ils s’examinèrent mutuellement avec cette curiosité que le combat dangereux dans lequel ils s’étaient engagés si récemment était bien fait pour leur inspirer. Chacun désirait mesurer la force et se former quelque opinion du caractère d’un adversaire si formidable, et chacun se vit contraint d’avouer que s’il fût tombé dans le combat, c’eût été sous de nobles coups.