Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/232

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présence seule pouvait donner l’espoir de sauver le royaume des horreurs d’une guerre civile, dont il était probable que la France et l’Écosse ne manqueraient pas de profiter. Rempli de la plus pénible inquiétude, Richard lut et relut ces lettres pleines de tristes présages ; il compara les nouvelles que quelques unes contenaient avec les mêmes faits contenus dans d’autres, mais différemment rapportés, et bientôt il cessa complètement de s’apercevoir de ce qui se passait autour de lui, quoique pour jouir de la fraîcheur il fût assis à l’entrée de sa tente, dont les rideaux étaient levés de manière qu’il pouvait voir les gardes et ceux qui étaient postés au dehors, et pouvait lui-même en être vu.

Au fond du pavillon, dans l’ombre et s’occupant du soin que son nouveau maître venait de lui imposer, l’esclave nubien était assis le dos tourné vers le roi. Il avait fini d’ajuster et de nettoyer le haubert et la cotte de mailles, et s’occupait activement d’un large bouclier, d’une grandeur peu commune, et couvert de lames d’acier, dont Richard se servait ordinairement pour reconnaître, et même pour monter à l’assaut des places fortifiées, comme d’une protection plus efficace que l’étroit bouclier triangulaire dont on faisait usage à cheval. Ce pavois ne portait ni les lions d’Angleterre, ni aucune autre armoirie qui aurait pu attirer l’attention de l’ennemi. L’armurier avait seulement eu soin que sa surface unie fût aussi brillante que le cristal, et, en cela, il semblait avoir merveilleusement réussi. Plus loin encore que le Nubien, et à peine visible du dehors, était le grand lévrier dont on a déjà parlé, qu’on aurait pu appeler son frère d’esclavage, et qui, comme s’il eût été intimidé de passer au pouvoir d’un maître royal, était couché derrière le muet, la tête et les oreilles basses, les membres arrondis, et entourés de sa queue.

Pendant que le monarque et son nouveau serviteur étaient ainsi occupés, un nouvel acteur parut sur la scène, se mêla au groupe de soldats anglais, dont une vingtaine, respectant l’attitude pensive et les occupations sérieuses de leur monarque, faisaient, contre leur coutume, une garde silencieuse devant sa tente. Cette garde n’était pas cependant très vigilante. Quelques uns jouaient à des jeux de hasard avec de petits cailloux ; d’autres se parlaient tout bas des nouveaux combats qui se préparaient, et plusieurs étaient étendus, dormants, enveloppés dans leurs manteaux verts.

Parmi ces sentinelles négligentes se glissa la maigre forme d’un petit vieillard turc, pauvrement habillé en marabout ou santon du