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— Vous dites la vérité d’après ce que vous savez, Sarrasin, dit le chevalier chrétien, et cependant, croyez-moi, je ne vous fais pas de rapports mensongers. La chaleur convertit ce sol en une poussière aussi molle, aussi peu solide que l’eau ; et dans mon pays le froid change souvent l’eau elle-même en une substance aussi dure que le rocher. Mais ne parlons plus de cela, car le souvenir du spectacle qu’offre en hiver le miroir calme et brillant d’un lac bleuâtre qui réfléchit le clair de lune et les étoiles scintillantes, ce souvenir aggrave encore l’horreur de ce désert enflammé où l’air que nous respirons ressemble à la vapeur d’une fournaise ardente. »

Le Sarrasin le regarda avec attention comme pour chercher à découvrir dans quel sens il devait prendre des paroles qui renfermaient selon lui quelque mystère ou quelque imposture… À la fin, il parut fixé sur la manière dont il accueillerait les discours de son nouveau compagnon.

« Tu es, dit-il, d’une nation qui aime à rire, et tu te plais à railler et à te moquer des autres en leur racontant des choses impossibles et des faits qui n’arrivèrent jamais. Tu es un de ces chevaliers de France qui regardent comme un jeu et un passe-temps de se gaber les uns des autres, comme ils disent, et de se vanter d’exploits qui sont au dessus des facultés humaines. J’avais tort cependant de te contester ces privilèges de langage, puisqu’il t’est plus naturel de te vanter ainsi que de dire la vérité.

— Je ne suis pas de leur pays, et je n’ai pas pris leur usage, répliqua le chevalier, qui est, comme tu le dis très bien, de se gaber des autres en se vantant de ce qu’ils n’osent pas entreprendre, ou de ce qu’ayant entrepris ils n’ont pas su accomplir. Mais sous un rapport j’ai imité leur folie, brave Sarrasin ; car en te parlant de ce que tu ne pouvais comprendre, je me suis donné à tes yeux le caractère d’un fanfaron. Ainsi, je te prie, cesse de t’occuper de mes paroles. »

Ils étaient alors arrivés auprès du groupe de palmiers, sous l’ombrage desquels coulait une source abondante et limpide.

Nous avons parlé d’un moment de paix en temps de guerre : l’aspect de ce lieu de végétation, au milieu d’un désert stérile, n’avait pas moins d’attraits pour le voyageur que la trêve pour le guerrier. C’était un endroit qui partout ailleurs peut-être aurait peu valu la peine d’être remarqué ; mais comme le seul point au milieu d’un horizon sans bornes qui pût offrir de l’ombre et de la fraîcheur, avec une eau vive et limpide, ces biens si dédaignés là où ils sont